Au-delà des murs de Dalayssë

Publié le par Stelio

Après plus de deux mois d'absence, je reviens avec une nouvelle nouvelle.

Elle s'appelle "Au-delà des murs de Dalayssë".

Elle se passe dans le même univers que "La mission du magicien".

Bonne lecture.

 


Au-delà des murs de Dalayssë

Le petit peuple vivait sa vie dans le globe de verre.
Buisan, le sorcier, regardait ce beau monde évoluer à l'aide d'un bassin de vision qu'il avait enchanté lui-même.
La planète, ses deux soleils et ses quinze lunes étaient si petits qu'ils n'étaient pas visibles à l'œil nu.
Le mage avait créé cet univers par magie. Il avait façonné les étoiles, les lunes, les planètes, tous les astres dérivants dans le vide de l’espace. Il avait choisi une planète au hasard. Il y avait réuni tous les éléments indispensable pour l'apparition de la vie et il avait aidé celle-ci à jaillir du sol mais il n'avait rien fait d'autre. A partir du moment ou la vie avait été présente, elle s'était développée et  diversifiée d'elle-même.
Le temps dans le globe de verre était beaucoup plus rapide qu'au dehors si bien que quelques jours étaient suffisants pour voir une nouvelle espèce naître et s'éteindre.
Deux ou trois jours plus tôt, Buisan avait remarqué qu'une nouvelle espèce avait émergé et prenait peu à peu la prédominance sur les autres. Il voulait savoir comment elle allait se développer par la suite.

-Maître, excusez-moi de vous déranger, s'éleva une voix derrière son dos.
Buisan se détourna de son bassin de vision avec regret.
-Que se passe-t-il?, demanda-t-il agacé.
Devant lui se trouvait l'un des nombreux familiers qu'il avait invoqué pour l'aider aux tâches de la maison quelques soient ménagère ou autres.
La créature était petite, la peau d'un noir si parfait qu'on n'arrivait pas à voir les détails de son épiderme et ses yeux rougeoyaient comme des braises.
-Quelqu'un vient de vous apporter un parchemin, répondit le démon en lui montrant un rouleau scellé.
Le mage prit le rouleau et le décacheta. Il y avait un symbole sur le parchemin. Une main était dessiné à l'encre noir, ouverte avec juste l'index replié. On pouvait apercevoir tracé dans la paume un croissant de lune, un œil fermé et un pentacle. Chacun de ces signes avaient leurs places exactes sur le dessin. Si un seul des symbole était absent ou n'était pas à la bonne place, le magicien comprendrait que c'était un piège.
Buisan n'était pas un simple sorcier. Il faisait partie d'un groupe de sorciers extrêmement puissant: la confrérie des mages-assassins. Cette confrérie n'existait pas officiellement mais les gens connaissaient son existence. Après chaque mort suspecte, il y avait toujours quelqu'un pour l'imputer aux mages-assassins.
Pourtant, aucun de ses membres n'avait jamais été plus inquiété que les simples magiciens. La raison en était simple: jamais aucun mages-assassins ne tuait lui-même ses victimes. Il employait pour ce travail des démons qu'il avait invoqués et qui, le plus souvent, se trouvaient heureux de prendre la vie de l'homme qu'on leur avait désigné.
Les mages-assassins ne s'occupaient pas seulement de tuer des personnes, ils accomplissaient toutes tâche où l'emploi d'un démon était demandé.
Il y avait le meurtre bien sûr mais il arrivait qu'on demande à Buisan de voler un objet et on l'avait même sollicité pour une diversion. Cette fois-là, il avait utilisé un Vétiol, un familier qui provoque un endormissement. Il avait accompli son travail avec succès mais n'avait jamais su à quoi avait pu servir cette tâche. Le plus souvent, les chefs de la confrérie lui donnaient le moins d'informations possible sur ses missions. Le sorcier devait alors lui-même essayé de comprendre la raison de son intervention mais parfois ce n'était pas possible. Et puis, il n’était pas bon d’être trop curieux. Un type qui pouvait se payer un mage-assassin pourrait très bien en engager un autre si le premier posait trop de question.

Buisan tendit sa main et la posa de la même manière que sur le dessin. Aussitôt, un picotement traversa sa paume et une voix résonna dans sa tête. C'était toujours comme ça que ça se passait.
« Quelqu'un nous a contacté », fit la voix. « Notre client souhaiterait vous rencontrer à dix-huit heure dans trois jours à l'auberge de L'oie rôtie. Il vous expliquera lui-même la nature de la tâche qu’il vous confie».
La voix n'en dit pas plus.
Buisan maudit celui qui lui avait envoyé le parchemin. Cette nouvelle mission commençait de façon inhabituelle. D'habitude, l'objet de la mission était révélé directement par le parchemin. Il n'y avait que lors des missions les plus périlleuse qu'on imposait le secret comme cela.
Le sorcier devrait donc se rendre près du client pour savoir de quoi il en retournait. Au moins, il n'aurait pas à se déplacer loin. Les clients venaient à lui.

*

Le jour du rendez-vous, il arriva à l'auberge de « L'oie rôtie » avec plus d'une heure d'avance. Le magicien avait enfilé une cape noire et était sorti en direction de la taverne. Sa cape le cachait entièrement, ne laissant rien apparaître.
Bien sûr, il serait beaucoup plus visible de la sorte mais son visage, lui, serait invisible. De toute façon, il n'était pas rare que des clients de « L'oie rôtie » décident de se cacher de la sorte. La plupart du temps, les autres clients leur lançaient un regard curieux quand ils entraient, puis ne pensaient plus à eux de toute la soirée.

A peine rentré, il se dirigea vers une table dans le coin le plus éloigné de la cheminée et s'installa sur une chaise.
 Il était encore tôt et il n'y avait pas encore beaucoup de monde mais dans une heure, la pièce serait bondée.
Buisan avait emmené avec lui trois démons qu'il commandait, invisibles. Il leur ordonna mentalement d'inspecter les lieux. Il voulait être sûr que personne avec des mauvaises intentions ne se pointerait au rendez-vous. C'était pour faire cette inspection des lieux et des individus présent dans l'auberge qu'il était arrivé à l'avance.
Ca faisait des années qu'il était mage-assassin et s'il avait survécu tout ce temps, c'était parce qu'il avait toujours été prudent. On ne l'était jamais assez.
Les familiers ne détectèrent rien d'anormale, aucune personne le fixant anormalement longtemps.
Il enjoignit aux démons de rester attentifs.
Buisan était attablé depuis cinq minutes quand il vit approcher du coin de l'œil l'une des serveuses.
C'était une jeune fille, de taille moyenne, les cheveux noirs lui arrivant à mi-dos.
« Détournez son attention de moi », ordonna mentalement le sorcier.
Aussitôt, la serveuse s'arrêta puis repartit en courant vers la cuisine.
Certains démons avaient le pouvoir de suggestion. Ainsi, ils pouvaient faire remonter le souvenir d'une casserole restée trop longtemps sur le feu dans l'esprit de cette jeune serveuse ou faire en sorte que tous les curieux oublient ce mage caché sous sa cape noir une fois qu'ils l'avaient aperçu une fois.
Malheureusement, ce pouvoir de suggestion ne marchait pas sur tout le monde et s'il était utilisé à trop forte dose par un même démon, il pouvait le rendre inutilisable pendant plus d'un mois.
Quand Buisan apprenait la magie, ses professeurs lui avaient appris à ne jamais épuisé complètement un familier.

Toute l'heure qui suivit, se passa sans incident. De plus en plus de personnes entraient dans l'auberge.
Les démons, invisibles, scannaient les pensée de tous mais aucun ne semblaient s'intéresser aux mages-assassins.
Un barde s'était installé près du feu et commençait à chanter entouré d'un auditoire attentif. Le mage était trop loin pour entendre les paroles de la chanson. Il eut presque envie d'envoyer un démon lui rapporter les paroles du conteur mais s'il le faisait, il détournerait le familier de sa tâche et ils ne seraient plus que deux pour la mener à bien.
Ca faisait plus d'une heure qu'il se trouvait dans l'auberge. La porte s'ouvrit une nouvelle fois.
Aussitôt, une voix résonna dans sa tête:
« Maître, je crois que votre rendez-vous vient d'arriver. Est-ce que je les incite à se diriger vers votre table? »
Buisan acquiesça mentalement. La voix du démon n'était qu'un murmure dans sa tête ce qui le surprit fortement. D'habitude, quand les familiers s'adressaient télépathiquement à lui, ils s'exprimaient bien plus haut que ça. Qu'est-ce qui pouvait faire peur au démon?

Quand ses commanditaires arrivèrent, il finit par comprendre.
Tandis que la porte était ouverte, elle l'empêchait d'apercevoir les nouveaux arrivants. Il devait alors attendre qu'elle soit refermé pour voir leur tête.
Ses clients étaient deux. Le premier était un Ohurite. Il ressemblait à un lutin par la taille et le visage. Dans son dos bourdonnaient quatre ailes semblables à des ailes d'insectes. Le lutin ne marchait pas, il volait à une trentaine de centimètre du sol. Une queue fine et courte gigotait derrière lui. Elle se terminait par un pompon de poils. Si les cheveux de l'Ohurite était noirs, ce pompon avait la couleur bleue du ciel les jours d'été. A côté de lui cheminait un Sizzy, un homme-lézard dont l'agilité et la discrétion étaient légendaires. Mais cette espèce avait aussi une autre particularité: elle pouvait entendre la magie. C'était cette dernière chose qui expliquait l'attitude du démon.
Les familiers avaient pour ordre de rester le plus discret possible et de ne révéler leur présence qu'à leur maître. Buisan se détendit légèrement.

Les deux compères avancèrent vers le sorcier qui les regardait fixement. Enfin, ils arrivèrent à sa table et s'arrêtèrent. L'Ohurite posa sa main sur sa poitrine et inclina la tête dans une salutation de son peuple.
-Enchanté de faire votre connaissance et ravi de voir que vous êtes venu, fit-il. Je m'appelle Obos'it.
Buisan lui rendit son salut sans toutefois prononcer son nom. Ses professeurs lui avaient appris qu'il valait mieux garder son nom secret ou en donner un inventé si on vous le demandait.
Pour tout salut, le Sizzy inclina solennellement la tête puis s'assit en face du mage.
-Vous bourdonnez à messss oreilles, déclara-t-il sans détour.
Buisan sourit malgré lui.
-C'est normal, répondit-il. Après tout, je suis magicien.
L'homme-lézard resta silencieux.
-Excusez-le, fit Obos'it en se plaçant à coté du Sizzy. Frusd est toujours un peu brusque.
Le sorcier balaya tout ça d'un geste nonchalant.
-Pouvez-vous m'expliquer quel est l'objet de ma venue ici?, interrogea-t-il.
L'Ohurite se trémoussa nerveusement sur sa chaise.
-C'est que, dit-il, nous ne sommes pas au complet. Paëmeyl et moi avons décidés qu'il était plus prudent que nous entrions à des moments différents dans l'auberge.
-Pourquoi cela?
Obos'it détourna la tête.
-Nous étions trop « remarquable » ensemble.
Il soupira.
-Vous verrez pourquoi quand il arrivera.
Les minutes qui suivirent s'étirèrent interminablement. Les trois compères ne disaient aucun mot. Ils regardaient tous vers la porte.
A chaque fois que celle-ci s'ouvrait, Buisan se penchait légèrement pour voir qui ça pouvait être mais les signes de tête négatifs d'Obos'it lui faisaient comprendre que ce n'était pas la personne qu'ils attendaient.
L'auberge commençait à bien se remplir désormais. La plupart des tables étaient déjà occupées et certaines personnes restaient debout.
Le patron, un homme chauve à la barbe fournie, servait de la bière à un nombre foisonnant d'hommes accoudé au bar. La rumeur des conversations commençait à emplir toute la pièce. Ce n’était pas une mauvaise chose. Le bruit continuel empêcherait les autres clients d’entendre les paroles qui se diraient à la table du mage.

-Voici Paëmeyl, s'exclama l'Ohurite.
Dans le même temps, la voix mentale de l'un des démons confirmait au sorcier que le troisième client venait d'arriver.
Buisan qui regardait encore le patron de l’auberge tourna la tête vers la porte d'entrée. Malheureusement, un groupe lui boucha la vue à ce moment-là. Agacé, il se pencha un peu plus pour apercevoir Paëmeyl mais rien n'y fit. Il y avait toujours quelqu’un qui lui bouchait son champs de vision.
Quand ils bougèrent, le mage put enfin le discerner. Il hoqueta de surprise. La personne qu'ils avaient attendus n'était rien d'autre qu'un Omien. Il avait un corps haut au pelage sombre. Six pattes d'insectes sortaient de la toison courte. Ses pattes antérieures restaient recourbées sur sa poitrine à la façon des mantes religieuse tandis qu'il marchait à l'aide de ses deux pattes postérieures et que la paire du milieu servait à attraper les objets. Sa tête avait l'apparence d'une gueule de crocodile dont les dents devaient être redoutable.
Buisan se tourna vers Obos'it.
-Est-ce que c'est une blague?, demanda-t-il.
-Pas du tout, répondit ce dernier. Vous comprenez maintenant pourquoi nous ne pouvions pas rentrer dans l'auberge ensemble.
Le sorcier comprenait en effet.

Il y a cent cinquante ans, une guerre avait éclaté sur les terre d'Amiranyel. Aucunes régions n'avaient été épargnées. Le tyran Rileth qui avait commencé la guerre, avait commis beaucoup d'atrocité dont la pire fut d'avoir commandé l'extermination de tous les Ohurites présent sur les territoires qu'il contrôlait. Le tyran était un être superstitieux et il croyait dur comme fer que les Ohurites portaient malheur.
Quand la guerre s'était terminé, le Conseil Blanc qui s'était opposé à Rileth et avait découvert le massacre, avait décidé de créer un territoire pour les Ohurites à l'est du désert de De'ch, là ou se trouvaient les pays Omiens.
Ainsi était né Ohur. Les Omiens avaient été d'accord de voir arriver ces nouveaux voisins et les avaient même aidés à s'installer.
Mais, vingt ans plus tard, les Ohurites envahissaient Dalayssë un royaume Omien proche d'Ohur.
Du pays, seule la capitale du même nom, resta en possession des Omiens. Pour les empêcher de fuir, les Ohurites avaient construits une haute muraille autour de la Capitale-Prison comme on la surnommait depuis lors.
Les Omiens essayèrent de faire réagir le Conseil Blanc face à cette invasion et cette prise d'otage de la population de toute une cité. Mais rien n'y fit. Le Conseil Blanc répondit que les Ohurites étaient leurs alliés et qu'ils ne voulaient pas un autre massacre de ce peuple sur la conscience.
Cent trente ans plus tard, la situation n'avait pas bougé.
La tension augmenta à un tel point entre les deux peuples que leurs membres ne peuvent plus se croiser dans une ville, une auberge ou même une route sans qu'ils essayent de s'étriper.
Le Conseil Blanc aurait pu empêcher que la situation dégénère mais il n'en a rien fait.

En sachant cela, il n'était pas surprenant que Buisan soit surpris de voir que la personne qu'ils attendaient, était un Omien.
Paëmeyl s'assit à côté du mage.
-Avant de vous expliquer la situation, si on commandait à boire, fit Obos’it après avoir fait les présentations.
Aussitôt, l'une des serveuses se détourna de son chemin et se dirigea vers leur table. Le sorcier avait demandé à l'un des démons d'inciter l'une des serveuses à prendre leur commande. C'était la même aux cheveux noir que Buisan avait dû repousser quand il s'était installé dans l'auberge. Les yeux du Sizzy se rétrécirent quand il observa ce brusque changement de direction.
Ils commandèrent tous une chope de bière. Cinq minutes plus tard, elles arrivaient.
Enfin, après avoir dégusté une gorgée du liquide brunâtre, Obos'it s'expliqua:
-Comme vous le savez sûrement, Ohur est au cœur de toutes les tensions à l'est de De'ch. Parmi les pires choses qu'à pu faire mon peuple, la Capitale-Prison est la pire. Comment le gouvernement d'Ohur peut-il décider d'infliger ça à un peuple alors que nos ancêtres ont souffert l'enfermement avant d'être conduit à l'abattoir.
Il s'arrêta un moment le temps de boire une autre gorgée.
-Si la plupart des Ohurites pensent que la conduite de notre pays est la bonne, une minorité a décidé de créer un réseau clandestin qui tente par tous les moyens de réparer les erreurs de notre pays. Parmi les nombreuses actions que nous effectuions, il nous arrivait de libérer des individus de Dalayssë et de les mettre à l'abri. Jusque là, nous n'avions tenté que de petites libérations d'un ou deux individus à la fois. Nous avons alors tenté un grand coups. Nous avons essayé de libérer plus de cent familles Omiennes. Si nous avions réussi, tous les Ohurites en aurait parlé et peut-être que leur confiance pour les dirigeants se serait effilochée. Malheureusement, nous avons rencontré des soldats sur la route du retour. Ce n'était pas une petite patrouille mais carrément une grande armée. Dans la panique qui s'ensuivit, la plupart des Omiens libérés furent exterminés. Seuls une vingtaine d'entre eux furent sauvés. Paëmeyl était l'un d'entre eux.
Obos'it s'arrêta de parler. L'Omien continua le récit.
-Je travaillais dans une mine de fer non loin de la muraille. J'étais loin de chez moi et de ma famille mais j'avais absolument besoin de ce travail pour survivre. Quand l'évasion commença, j'étais dans mon baraquement à attendre le signal. Nous avions tous entendu parler de la grande évasion et aucun de nous ne voulait manquer sa chance. Chacun avait laissé des êtres qu'il aimait derrière lui mais nous espérions tous que l'on nous donnerait l'occasion de les sortir de là. Quand les soldats Ohurites arrivèrent, je me suis mis à courir le plus vite possible. Beaucoup de mes congénères en firent de même et la plupart moururent là-bas. Seule la chance me permit de m'en sortir. Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour que vous m'aidiez à sortir ma famille de Dalayssë. Que la chance qui a été la mienne cette nuit-là n'ait pas été vaine.
Les récits n'avaient pas été racontés d'une traite mais avaient été entrecoupés de petites pauses pendant lesquelles les conteurs se rafraichissait le gosier d'une gorgée de bière.
Quand Paëmeyl finit son histoire, le silence s'abattit sur le petit groupe. Un silence relatif bien sûr car partout autour d'eux, résonnaient les conversations des autres clients de l'auberge.

Finalement, après de longues secondes, Buisan prit la parole.
-Il y a quelque chose que je ne comprends pas...
Il s'arrêta pour boire un peu de bière.
-...l'organisation qui a aidé les Omiens pourrait très bien faire cela, remarqua-t-il. Alors, pourquoi faire appel aux services d'un magicien tel que moi?
Obos'it et Paëmeyl se regardèrent. Ce regard était assez éloquent pour que le sorcier comprenne qu'ils avaient, tous deux, omis de mentionner un renseignement essentiel.
-Tout d'abord, répondit l'Ohurite, parce qu'après l'échec de notre dernière tentative, aucun membre du réseau ne voudrait plus se risquer dans une mission comme celle-là avant un long moment. Et puis...
Il lança un regard à l'Omien qui détourna la tête.
-...nous pensons qu'il y a un traître, déclara-t-il rapidement.
-Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion?, questionna Buisan.
Si ses interlocuteurs avaient pu l’apercevoir sous sa cape, ils auraient pu voir que ses sourcils étaient froncés.
-Ce  n'était pas un hasard si les familles Omiennes qu'on a libérées ont rencontrés les soldats Ohurites. Cette opération se déroulait de nuit à une heure ou la plupart des personnes dorment. Seuls les gardes qui patrouillaient sur la muraille auraient pu voir le mouvements mais ils étaient tous hors d'état de nuire. Cette informations, j'en suis sûr, est exact car le lendemain tous les gardes fautifs ont été exécutés.
Obos'it bu une nouvelle gorgée.
-Quelqu'un devait avoir prévenu les soldats.
Buisan observa l'Ohurite. Il semblait sincère. Le sorcier comprenait maintenant pourquoi le secret était de mise sur cette mission. En plus de risquer de s'attirer les foudres du Conseil Blanc et d'Ohur, l'une des nations les plus belliqueuse à l'est du De'ch, les personnes susceptibles d'être leurs alliés risquaient de les trahir à tous moment.
-Je commence à saisir le problème, fit le mage. Quel est le plan?
Quand il avait posé cette question, il avait vu les traits d'Obos'it et de Paëmeyl se détendre. Ils étaient désormais sûrs que le mage-assassin ne refuserait pas la mission.

L'Ohurite sortit trois parchemins de son sac et les étala sur la table. C'étaient des cartes.
La première représentait le continent d'Amiranyel dans son ensemble. La deuxième montrait Ohur. La troisième n'était rien d'autre que le plan de la capitale-Prison.
Obos'it commença son explication:
-Demain, nous partirons tous sur deux charrettes en direction d'Ohur. Le voyage sera long, il devrait durer plusieurs mois. Nous conduirons chacun à tour de rôle jusqu'à Gealtare.
L'Ohurite avait tracé une ligne imaginaire sur la carte qui partait de la région du nord ou se tenait Zekegruim et finissait à Gealtare au nord-est du désert de De'ch.
-A partir de cette ville, nous arriverons dans les pays Omiens. Je serais obligé de me cacher dans le chariot. Si je ne le faisais pas, nous nous attirerions de graves ennuis.
Son doigt continuait sa progression vers le sud-est sur la carte.
-Arrivé près de la frontière, continua-t-il en pointant maintenant la deuxième carte, je reprendrais les rênes et vous ferez entré par des chemins détournés.
Son doigt zigzagua à travers la chaîne de montagne qui délimitait la frontière d'Ohur.
-Je vous amènerais tous jusque ma demeure qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de la muraille de Dalayssë.
Il continua sa progression sur la carte jusqu'à un point à plus ou moins cent kilomètre à l'est de la frontière.
-Quand nous serons arrivés, la véritable opération commencera.
Il s'arrêta et montra le mage de la main.
-Premièrement, notre ami ici présent devra éliminer la menace des gardes. C'est pour cette mission que vous avez été engagé. Deuxièmement, Fusd et Paëmeyl s'introduiront le plus discrètement possible dans la ville et iront chercher la famille de ce dernier et la ramènera au cours de la nuit.
Enfin, nous embarquerons les évadés dans la charrette et je serais chargé de les conduire en sécurité hors des frontières du pays. Là, je vous quitterai et retournerai près de ma femme. Vous poursuivrez votre chemin. Qu'en pensez-vous?

Les trois autres membres de la compagnie étaient restés silencieux le temps qu'Obos'it finisse ses explications.
Buisan fut le premier à prendre la parole:
-Je ne pourrais pas rester chez vous, dit-il. Je vous explique: Quand je suis en mission, je n'agis jamais en personne. Ce sont les démons que j'ai invoqués qui font le travail à ma place. Normalement, je leur donne ordres au début et ça suffit. Mais si jamais il y a un imprévu, ils me contactent par télépathie pour recevoir de nouvelles directives. Le problème c'est que la communication télépathique ne marche que dans un cercle de trois kilomètres. Au-delà, je perdrais le contact avec mes familiers et si jamais un problème devait survenir, je ne pourrais pas vous aider.
-Et ou est la difficulté?, demanda Obos'it les sourcils froncés. Vous n'aurez qu'à vous rapprocher.
-Je ne pourrais pas, rétorqua le magicien. Si je ne trouve pas un endroit sûr, je serais beaucoup trop exposé. Je pourrais très bien me faire capturer avant d'avoir pu neutraliser tous les gardes. Que se passerait-il alors?
Paëmeyl répondit à la place du lutin volant.
-Nous nous ferions tous tuer en essayant de nous infiltrer dans la Capitale-Prison.
Obos'it s'avachit sur sa chaise. Il venait de comprendre le sérieux du problème. Lui plus que les autres savait qu'il n'existait aucun endroit sûr dans les environs immédiat de Dalayssë pour permettre au mage-assassin de faire ce qu'il avait à faire.
-N'y a-t-il pas moyen de faire autrement?, implora-t-il.
Buisan secoua la tête.
-Non, fit-il. A moins que...
Il réfléchit un moment.
-Oui. Quoi?, le pressa l'Omien.
-Il existe un moyen mais il me faudra un temps de préparation. Si je commençais aujourd'hui après la rencontre et que je travaillais sans m'arrêter, je n'aurais fini que dans deux jours.
A cette annonce, la mine d'Obos'it se défit. Il passa une main sur son visage. Il resta ainsi plus de dix secondes avant de la retirer.
-Soit, dit-il. Je vous propose ceci, je vous attendrais ici tous les jours à la même heure jusqu'au moment ou vous aurez fini vos préparations.
Il y eut un petit blanc pendant lequel personne ne parla puis Fusd, qui n'avait pas dit un mot depuis qu'il s'était assis, prit la parole.
-Csssest un problème mais nousssss en avons un autre.
L'Ohurite regarda le Sizzy d'un air désespéré.
-Que veux-tu dire?, questionna-t-il.
-L'Omien sssssera trop lent à passssser les murs. Même avec des gardes neutraliszzzés, il vaut mieux passsssser le plus vite posssssible. Dans des opératssssions de cssse genre, plus t'es rapide mieux csss'est.
-Je promet de faire rapidement, déclara Paëmeyl. Je vous suivrais à la trace.
Il but la dernière gorgée de sa bière. Fusd le regardait d’un air incrédule. L’Omien fit semblant de ne pas le remarquer et reprit la parole.
-Un autre problème se pose. Dalayssë est très grande. Il faut au moins trois jours pour la traverser et plus d'une semaine pour la contourner. Ma famille habite au centre de la Capitale-Prison. Il me sera donc impossible d'entrer, d'aller chercher ma famille puis de revenir en une seule nuit.
C'était en effet ennuyant. Buisan devrait donc détourner l'attention des gardes pendant deux nuits. La première pour faire entrer l'Omien et le Sizzy et la deuxième pour les faire sortir avec la famille de Paëmeyl. Le risque serait plus grand au retour étant donné qu'ils seraient plus nombreux à sortir de la ville. Buisan le fit remarquer à ses compagnons.
-Autre chose, déclara le sorcier. Pendant le voyage on ne peut pas se permettre qu'on vous voit ensemble.
Il pointa Obos'it et Paëmeyl.
-Je vous rappelles qu'Ohur est l'alliée du Conseil Blanc. Il suffirait qu'un seul de leurs agents vous remarque ensemble pour qu'ils aient des soupçons. Je peux détourner l'attention de vous quelques temps comme je le fais ce soir mais je ne peux pas me permettre d'utiliser mes démons à cette fin pendant tout le voyage. Je risquerais de les affaiblir et ils seraient inutilisable lorsque le moment sera venu pour vous d'entrer dans Dalayssë.

Pendant la petite heure qui suivit, les quatre compagnons essayèrent de modifier le plan de façon à ce qu'il ne reste plus de lacune. La plupart des solutions aux problèmes furent trouvés ce soir-là.
Obos'it était en train de parler quand Buisan reçu un appel télépathique d'un de ses familiers.
« Quelqu'un vous regarde, maître »
Ce message le surpris mais il se ressaisit presque immédiatement. Seul Fusd, le Sizzy, semblait avoir compris que quelque chose d'anormal s'était passée. Il s’était rassis sur sa chaise mais n’avait rien dit.
« Qui est-ce? », interrogea le magicien mentalement.
La réponse ne se fit pas attendre.
« Une femme-elfe assise non loin de vous. Une mercenaire je crois. »
Le mage résista à l'envie de promener son regard dans la salle pour repérer l'endroit ou se trouvait la curieuse. Il demanda plutôt:
« Montre-la moi par tes yeux. »
Aussitôt, une jolie elfe en armure apparut dans son champs de vision. Elle avait les cheveux châtains et un très joli visage enjôleur. Buisan la voyait du point de vue du démon qui se trouvait au niveau du sol si bien que l'elfe emplissait entièrement son champs de vision.
« Assez ! »
Il retrouva sa vue normale.

Paëmeyl était en train de parler. L'Omien lui posa une question. Il y répondit inconsciemment. Il était en train de réfléchir. Même si cette elfe était très jolie, elle n'aurait pas dû s'intéresser à eux. Quelque chose devait la protéger du charme des démons qui parcouraient la pièce.
Ils devaient partir mais le sorcier ne voulait pas être celui qui dirait à ses compagnons que quelqu'un les observait.
Il donna un ordre mental au démon. Deux secondes plus tard, le Sizzy se retournait.
-Quelqu'un nous regarde, interrompit-il Obos'it en plein discours. Tous se retournèrent vers l'elfe. Même Buisan donna le change. Personne ne le vit, mais il souriait sous sa cape d'ombre.
Ils posèrent l'argent pour la bière sur la table et quittèrent la taverne. Le mage vit avec soulagement que la jeune elfe ne les suivait pas.

*

Ils partirent le jour prévu. Le voyage fut long et monotone. Il leur fallut plusieurs mois pour arriver à destination.
Buisan avait fini par leur dire qu’il s’appelait Koshar. C’était bien sûr un faux nom. Même s’il s’attachait à eux, il ne pouvait prendre le risque de dévoiler sa véritable identité.
Ils voyagèrent dans deux charrettes. Paëmeyl et Fusd voyageait ensemble tandis que le sorcier était avec Obos’it. Pendant le trajet, il apprit à mieux connaître ses compagnons de voyage.
Le soir, quand ils dormaient hors des villes, ils s’arrêtaient et mangeaient ensemble autour d’un feu de camps. Dans ces moments-là, le sorcier prit connaissance de beaucoup de détails sur Ohur.
Il apprit que le royaume Ohurite continuait à envahir les royaumes voisins mais qu’il ne le faisait plus de façon aussi visible que lors de la guerre contre Dalayssë. La stratégie était simple. Les dirigeants d’Ohur concédait des terres qui ne leur appartenait pas à des familles Ohurites. Peu à peu, les Omiens étaient chassés et Ohur se trouvait avec de nouvelles terres.
Les Omiens se sentant menacés, avaient déclarés la guerre au pays des lutins aux ailes de libellules mais son alliance avec le Conseil Blanc et les nombreuses armées sous ses ordres était comme une épée de Damoclès qui était prête à s’abattre sur les pauvres victimes.
-Le problème, avait dit Obos’it, ce n’est pas tellement la guerre avec les pays limitrophes aussi sanglantes qu’elle puisse être. Non! Le véritable problème c’est ce qui se passe à Dalayssë. Mon peuple devrait avoir honte de ce qui se passe là-bas. Il devrait se rappeler les persécutions qu’il a enduré lors du règne de Rileth.
Il avait raison. Ce qui se passait derrière les murs de Dalayssë était abject. Buisan apprit que les Omien de la capitale-prison survivaient dans la misère. Ils vivaient aussi des raids aérien des unités volantes, des sorciers Ohurites qui les attaquaient du ciel et qui les persécutaient la nuit. Ils risquaient à tout moment de lancer des sorts destructeurs qui détruiraient les masures Omiennes. Selon les dirigeants, ils ne ripostaient que lorsqu’il y avait des rebelles mais Buisan eut une toute autre version de la part de Paëmeyl. Selon lui, les attaques des unités volantes avaient lieu une nuit sur trois. Il arrivait souvent que des enfants meurent lors de ces attaques, foudroyés par un sort.
Non, seulement, ce peuple n’était pas libre mais en plus il était réduit en esclavage par les Ohurites qui les faisaient travailler dans les mines pour augmenter leurs propres richesses.
Bien sûr, les Omiens avaient aussi une part de responsabilité dans la petite guerre qui se passait entre les murs de la ville. Mais devait-on leur en vouloir? Après tout, seulement deux solutions s’offraient à ce peuple opprimé. Soit ils se couchaient et enduraient leur sort, soit ils résistaient. Les Omiens avaient choisis de regagner leur liberté en luttant. Pouvait-on les blâmer pour cela?
Buisan ne comprenait pas comment un peuple qui avait été persécuté pouvait en martyriser un autre. N’avaient-ils reçus aucune leçon de l’histoire?

Deux mois passèrent sans danger. Les familiers jouaient leurs rôles protecteurs. Ils patrouillaient dans les environs et empêchaient monstres et brigands de s’approcher de trop près des charrettes.
Enfin, ils aperçurent Gealtare au loin. On appelait cette cité « la Capitale des magiciens ». Cette ville était une étape importante sur leur route.
Buisan avait prévenu ses compagnons qu’à l’intérieur des murailles de cette ville, il ne pourrait pas les aider avec ses démons.
La couleur dominante à Gealtare était l’ocre de par la couleur naturelle des pierres qu’on utilisait pour construire les habitations. Les bâtisseurs de la ville l’avaient construite à un endroit stratégique. En plus, de l’avoir édifié sur le fleuve Bisilee, Gealtare se trouvait aussi au croisement de deux lignes de magie. A l’intérieur de ses murs, les sorts étaient plus puissants qu’ailleurs.
Obos’it s’était déjà caché. Gealtare se trouvait beaucoup trop près des territoires Omiens pour qu’il puisse se permettre de s’afficher publiquement avec Paëmeyl.
Buisan était déjà venu quelque fois dans la cité. Pas beaucoup bien sûr car pour un mage de sa confrérie, c’était un endroit hautement dangereux. Certains sorciers parmi les plus puissants pouvaient sentir la présence de démons même caché. Parmi ces magiciens-là, il y en avait même qui arrivaient à sentir les traces résiduelles des familiers des mois après leurs disparitions.
Officiellement, il n’était qu’un simple invocateur de niveau cinq. Pas trop puissant mais assez pour que l’on ne s’étonne pas des traces de démons qui devaient sûrement l’entourer continuellement. Heureusement, pour lui les mages détecteurs de démons ne s’intéressaient pas réellement aux traces démonique. S’ils l’avaient fait, les mages-assassins auraient eu du soucis à se faire.

La ville restait semblable à ce qu’il s’en rappelait dans ses souvenirs. Gealtare se divisait en trois cercles concentriques chacun séparés par un mur d’enceinte. Dans cette ville, plus les gens habitaient près de centre plus ils étaient élevés socialement. Au centre de la ville se trouvait le conseil des mages de l’est ou treize parmi les plus grands sorciers siégeaient. Le conseil gérait la ville mais aussi toutes affaires concernant la magie dans la région.
Les chariots arrivèrent près d’un marché. Les marchés de Gealtare était l’une des nombreuses choses qui assuraient la réputation de la cité à travers le monde. En cherchant bien, on pouvait tout y trouver. Pas seulement des objets pour utiliser des sorts mais aussi des marchandises plus banales. Les mages avaient beau savoir utiliser la magie, il ne s’en nourrissait pas. Il leur fallait de la nourriture à eux aussi.
Quand ils passèrent dans la foule, l’agitation était à son comble. Buisan remarqua qu’acheteurs et vendeurs parlaient tous de la même chose. Ce ne fut que bien plus tard qu’il put aller se renseigner sur ce qui causait une telle effervescence parmi la population. Ils s’étaient tous arrêtés dans une auberge pour la nuit. Ils avaient choisi deux auberges séparées pour plus de sécurité. Toutes deux se trouvaient dans le cercle extérieur de la ville, là ou ils risquaient le moins de se faire repérer.
En descendant dans la salle commune, le sorcier entendit un petit groupe parler avec animation.
-Excusez-moi, fit-il en s’approchant. Je viens d’arriver en ville et, en traversant les rues, je n’ai pas pu m’empêcher de voir que les gens parlaient avec excitation d’une chose, visiblement la même pour tous. Pouvez-vous me renseigner sur ce qui peut mettre les gens dans un tel état ?
-Je le peux, fit un vieux magicien.
Il portait une longue robe noire. Il était chauve avec juste une couronne de cheveux blancs sur le côté et son visage ridé ressemblait à une vieille pomme flétrie.
-Il y a quelques jours, expliqua-t-il, une Arkilime est venue demander audience au conseil.
Buisan arqua un sourcil. Les arkilims étaient des hommes lions. Ils vivaient dans des cités-états de l’autre côté du désert de De’ch. S’ils avaient traversés tout le désert pour demander de l’aide, ça devait être une affaire sérieuse.
-D’après ce que l’on sait, continua l’homme, l’un des leur essaierait de réveiller le démon Layabh.
-Celui de la caverne aux démons ?, s’exclama Buisan incrédule.
D’après la légende, Layabh était un démon très puissant qui semait la terreur il y a longtemps. Un jour pourtant, il avait été vaincu par trois puissants mages qui avaient unis leurs forces pour le combattre. Le démon n’était pas mort mais s’était morcelé en milliers de petits démons aux faibles pouvoirs. Mais ces démons avaient essayés de s’unir et il avait fallu les enfermer. Certains avaient été emprisonnés dans divers objets et amulettes mais la plupart furent capturés dans une grotte et on les scella dans les murs. Personne jusqu’ici n’avait été assez fou pour tenter de réunir tous les morceaux de Layabh.

Cette nuit-là, il sortit à l’insu de ses compagnons. Il se promena dans la ville à la recherche du symbole de sa confrérie. Les mages-assassins avaient comptés dans leur rang quelques bâtisseurs de la ville qui en tant que tels avaient aménagés une salle secrète qui abritait l’agent local. Seules les membres de la confréries pouvait y accéder.
Le calme ne régnait jamais à Gealtare. Les magiciens travaillaient aussi bien de jour que de nuit et pouvaient avoir besoin d’ingrédients à tout moment. Le marché de nuit remplaçait celui de jour au coucher du soleil. Il était peut-être plus restreint mais beaucoup plus beau sous la lueur des globes qui illuminaient les rues principales.

Buisan recherchait le signe de la main sur les murs des maisons. Le symbole était affiché dans chaque rue de la cité mais la plupart du temps il manquait un signe ou s’ils y étaient tous, ils n’étaient pas à la bonne place. Le mage recherchait l’unique véritable symbole de la confrérie. Ce n’était pas facile. Il changeait de place tout les jours. C’était une bonne astuce pour empêcher que quelqu’un d’étranger aux mages-assassins n’entre dans ce lieu par mégarde. Jusque là, la ruse avait bien fonctionné. Si une personne avait jamais vu le changement, elle devait avoir cru que c’était qu’une autre de ces bizarreries parmi toutes celles que possédait la cité.
Enfin, Buisan le trouva dans une rue secondaire pas très fréquenté. Après s’être assuré qu’il n’y avait personne, il apposa sa main sur la gravure. Il disparut sans laisser de trace.

*

Le petit groupe resta quelques jours dans la ville. Ils firent un maximum pour être discret. Le nombre de personnes hétéroclite à Gealtare les aidait à se fondre parmi la foule.
Buisan ne se rappelait rien du lieu qu’il avait visité la première nuit ni de la conversation qu’il avait eue avec le membre de la confrérie de garde dans la cité. Son esprit ne se rappelait que de deux informations essentielles. La première que les mages-assassins surveillaient de près l’affaire de la grotte aux démons. La deuxième qu’il devait mener jusqu’au bout la mission qui lui avait été confiée.
Ce fut donc le cœur plus léger qu’il repartit sur la route d’Ohur.

A partir de Gealtare, ils devaient passer par les territoires Omiens. Aucun d’eux n’étaient rassurés. Il aurait fallu qu’un seul membre de ce peuple voit Obos’it pour que les ennuis commencent.
Plusieurs fois, ils frôlèrent la catastrophe mais heureusement, Buisan et ses démons veillaient aux grains.
Enfin, ils arrivèrent en vue des montagnes qui entouraient Ohur. A ce stade-là, Obos’it reprit la direction des opérations. En arrivant dans un petit bois, il fit changer de route aux charrettes.
Plusieurs jours durant, ils continuèrent à avancer en empruntant des chemins détournés. Très vite, ils atteignirent les contreforts des montagnes.
Les jours qui suivirent, ils ne cessèrent de s’élever. Obos’it leur expliqua qu’ils devraient passer par un col éloigné de tout. Il leur apprit en outre que le traverser avec des charrettes ne serait pas simple à cause des passages escarpés.
Quand ils arrivèrent, un ami d’Obos’it attendait. C’était aussi un Ohurite. Il avait une longe barbe blanche et la touffe au bout de sa queue était d’un rouge qui avait dû être vif autrefois mais qui semblait désormais délavé. Les deux amis s’embrassèrent avec effusion.
Après ce moment fort, ils repartirent tous derrière le vieil Ohurite. La traversée du col fut dure comme l’avait annoncé Obos’it. Le problème c’étaient les charrettes. Certains endroits étaient si accidentés qu’elles risquaient de verser à tout moment.
La petite compagnie s’en serait d’ailleurs débarrassé s’il n’y avait pas eut la nécessité de cacher Paëmeyl quand ils arriveraient à Ohur.
Pour l’occasion, Buisan fut obligé d’invoquer un Pyrrick, un démon dont la force physique était colossale, pour aider à tirer les chariots. Cette invocation l’épuisa fortement. Le Pyrrick ne se laissa pas mettre en servitude aussi facilement et le sorcier dû utiliser une grande énergie magique pour le calmer.
Les deux jours qui suivirent, il resta à l’intérieur de la charrette à se reposer. Il était devenu une charge supplémentaire mais en contrepartie, le démon aidait ses compagnons dans les moments dures ce qui compensait amplement son manque d’aide.
Enfin, il furent de l’autre côté. L’ami d’Obos’it prit congé de la petite troupe. Buisan enjoignit à l’un de ses familier de le surveiller au cas ou il trahirait.

Le reste du voyage jusqu’à la maison de l’Ohurite fut calme. La tension s’accumulait malgré tout chez les compagnons. Auparavant, ils étaient attentifs mais ils parlaient entre eux alors que maintenant, ils ne disaient plus un mot. Buisan le sentait, tous avaient envie de terminer la mission au plus vite.
Obos’it connaissait très bien son pays. Il passait systématiquement pas des routes désertes et fuyait villes et villages.
Finalement, ils arrivèrent. L’Ohurite, habitait une ferme éloigné de tout. Elle ressemblait à n’importe quelle habitation humaine sauf qu’elle était plus petite. La porte et les fenêtre étaient aussi minuscules.
Quand ils arrivèrent, une femme Ohurite apparut à la porte. Elle ressemblait à une femme normale mais en plus petite, avec des ailes et une queue. Elle avait des cheveux blond qui lui tombaient jusqu’aux épaules. Sa queue était plus petite que celle d’Obos’it tandis que la touffe de poil, vert ici, était plus longue. Elle ressemblait vaguement au crin d’un cheval.
La femme Ohurite avait les traits tiré. Obos’it le remarqua. Il s’en soucia tout de suite.
-Que se passe-t-il ?, interrogea-t-il.
-C’est Annoufle, répondit sa femme, il est en train de muer.
Cette réponse parut rasséréner l’Ohurite. Il descendit de la charrette et embrassa sa moitié.
-Je m’inquiétais pour toi, murmura celle-ci assez fort pour que Buisan l’entende. Tu es parti bien longtemps.
-Désolé, s’excusa Obos’it. Nous avons dû parcourir beaucoup de chemin pour trouver les personne capables de nous aider.
Sa femme fit la moue.
-Es-tu vraiment obligé de faire ça ?, questionna-t-elle. Je n’aime pas que tu risques ta vie de la sorte.
-Tu sais très bien que je dois le faire. Si je ne le faisais pas, personne ne le ferait.
Et sur ces dernières paroles, il rentra dans sa maison. Buisan et les autres restèrent debout près des chariots sans trop savoir quoi faire.
La femme d’Obos’it les invita à rentrer. Elle avait encore les joues rouges de colères mais elle fit un effort pour les accueillir avec courtoisie.
Le sorcier dut se plier en deux pour franchir les portes. L’intérieur était agréable. Des tapis recouvraient le sol et des tableaux étaient accrochés aux murs. Buisan se serait bien senti dans cet endroit si le plafond avait été plus haut. Il le touchait presque du haut de la tête sans faire d’effort pour agrandir sa taille.
La femme Ohurite les amena au salon. Ils s’assirent sur les divans. Obos’it n’était nulle part en vue.
-Il doit sûrement être aux côtés d’Annouffle, s’excusa sa femme.
Elle leur offrit un peu de thé. Tous acceptèrent poliment. Ils étaient en train de boire quand Obos’it redescendit. Il avait dans les bras une petite boule de poils multicolore. La bestiole avait deux yeux noirs grand comme des soucoupes. Buisan remarqua qu’une partie de ses poils se détachaient par paquet entier et se répandaient vers le sol.
-Voici Annoufle, expliqua-t-il en montrant la bête qu’il tenait dans ses bras. Et voici Chrysalia ma femme.
Il la montra de la main. Celle-ci inclina solennellement de la tête. Ensuite, l’Ohurite se fit un devoir de tous les présenter à sa femme.
-Quand pourrons nous commencer ?, demanda Obos’it à Buisan quand il eut fini.
-Dans quatre jours, répondit le mage. C’est le temps nécessaire qu’il me faut pour reprendre les forces nécessaires à la réalisation de nos projets.
-Bien. Je suis désolé mais la maison ne possède pas beaucoup de pièces. Il va falloir que deux d’entre vous dorment dans la même chambre.

Buisan partagea sa chambre avec Paëmeyl. Le Sizzy n’aurait pas supporté une cohabitation avec le magicien.
Le soir, le mage profita d’un moment ou il était seul pour commander à ses familiers de suivre chaque membres de la maison même Annoufle, le plus petit d’entre tous.
Maintenant qu’ils étaient sur place, il ne voulait pas prendre le risque d’être trahi par l’un d’eux.
Les jours qui suivirent, il se reposa. Il avait besoin de récupérer ses force pour envoyer les démons dont il avait besoin.
Pendant le temps qu’avait duré le voyage, il avait réfléchi au type de démon. Finalement, il avait jeté son dévolu sur un Obil, un démon hallucinatoire. Le pouvoir de cet être permettait de changer la perception du monde de la personne sous son emprise. Ainsi, il pouvait montrer des choses qui n’existaient pas ou au contraire cacher une chose dans le champs de vision des gens. C’était exactement ce dont Buisan avait besoin.
Le sorcier restait la plupart du temps endormi dans son lit mais il lui arrivait aussi de se lever et de visiter la maison d’Obos’it. Le deuxième jour, alors qu’il sortait il remarqua que la porte de la chambre en face de lui était entrouverte. Par curiosité, il entra. A l’intérieur, il y avait un lit. Sur ce lit trônait un gros cocon verdâtre.
Le soir, quand Buisan confia ce qu’il avait vu au maître de maison, celui-ci expliqua que c’était sa fille Onsenne. Celle-ci s’était enveloppée dans son cocon juste avant le départ de son père.
-Dans un ou deux mois, elle ressortira dans sa forme adulte, le renseigna Obos’it. Elle ne ressemblera plus à Annouffle mais à ses parents. Je suis impatients de savoir de quelle couleur sera son pompon.
-Vous n’avez aucun moyen de le savoir avant ?, demanda Buisan intrigué.
-Impossible, rétorqua l’Ohurite. Pendant leur enfance, nos petits portent une toison multicolore comme de mon fils. Ce n’est que quand ils sortent du cocon qu’on peut enfin voir quelle couleur a dominé les autres.

Le grand soir arriva enfin. C’était la toute fin de l’après-midi. Avant le départ de ses trois compagnons, Buisan remit une sphère relais à l’Omien. Ca lui permettrait de pouvoir contacter télépathiquement ses démons dans le rayon de la sphère.
Alors que la charrette démarrait, le mage entreprit d’invoquer non pas un mais six Obils. Il ne vit pas le chariot partir, occupé qu’il était. Les invocations étaient longues et multiple. Il lui fallut bien les trois heures que dura le voyage de ses trois compagnons jusqu’à Dalayssë. Il appela trois démon pour l’aller et trois pour le retour.
Le soir tombait quand il reçut un message télépathique d’un de ses démons.
« Maître, ils sont en place ».
« Bien, j’envois les Obils », répondit Buisan. « Ils seront là dans une petite heure. Transmets le message à Obos’it ».
Il donna ses ordres aux familiers et les regarda décoller. Trois restèrent à ses côtés. Il se chargerait de les mettre en place plus tard. Ensuite, il demanda de partager la vision de l’un des démons envoyés près de la muraille.

Les murs qui entouraient la Capitale-Prison étaient immenses. Ils étaient construits en grosses pierres noires et faisaient au moins cinquante mètres de haut. Des tourelles s’élevaient à intervalles réguliers. A l’intérieur, les gardes guettaient tous mouvement. La muraille était menaçante dans l’air du soir. Le démon la voyait de loin car il se trouvait avec le petit groupe à cinq kilomètre de là. Ceux-ci s’étaient couchés dans un bosquet, observant anxieusement l’obstacle.
Buisan perdit le contact avec les trois Obils lorsqu’ils furent hors de son champs d’action. Pendant les trois quarts d’heure qui suivirent, il fit les cent pas dans la chambre le temps de recevoir des nouvelles des trois familiers.
Finalement, il finit par les localiser dans le rayon de la sphère relais. Il communiqua la nouvelle au démon qui suivait  la petite troupe, qui lui-même la communiqua à l’Ohurite.
L’obscurité était presque totale maintenant. Il était temps d’agir. Buisan passa à l’attaque. Les trois Obils s’étaient placés de façon à avoir une portée de plus de trois kilomètre. Aucun n’avaient besoin de se trouver dans la même pièce que leurs victimes.
Quand les démons furent en place, le sorcier prévint la petite troupe qu’ils pouvaient bouger. Buisan put voir la scène qui suivit, à travers les yeux de son démon.
Paëmeyl et Fusd s’élancèrent vers la porte de la muraille. Obos’it resta en arrière près de la charrette. Le Sizzy allait en premier. l’Omien le suivait à la trace. Tous deux suivaient un parcours au larges détours et profitaient de la moindre végétation, de la moindre dénivellation pour se cacher. Ils ne faisaient pas la route en une fois mais par petites sections. Fusd parcourait rapidement les sections à découvert. Contrairement à ce qu’il avait craint, Paëmeyl arrivait à le suivre.
Enfin, après une grosse demi-heure de routes, ils arrivèrent à la porte. Le passage dans le mur n’est jamais fermé, avait expliqué Obos’it. Paëmeyl poussa le battant qui céda directement. Le temps qu’ils passent, Buisan demeura sur le qui-vive. Les premières maisons de la cité se trouvaient à moins de deux cents mètres des murs. Buisan quitta la scène des yeux et resta en liaison télépathique avec les Obils, alternant entre les trois. Ce ne fut que quand le démon qui était avec l’Omien et le Sizzy, lui annonça qu’ils étaient en sécurité de l’autre côté qu’il se détendit enfin.
Son travail pour aujourd’hui était presque terminé. Cette partie-là du plan reposait désormais entièrement sur les deux infiltrés.
Des heures plus tard, Obos’it revint dans la maisonnette. Il félicita brièvement Buisan pour leur succès et alla se coucher.
Les Obils arrivèrent en même temps que l’Ohurite. Ils étaient fatigués et pressés de retourner dans leur monde.
Le mage sacrifia encore de son énergie pour les  renvoyer chez eux. Une fois que ce fut fait, il s’écroula sur son lit et s’endormit comme une masse.

Les jours qui suivirent, Buisan se reposa en prévision du moment ou il faudrait faire repasser la muraille à Fusd, Paëmeyl et à la famille de ce dernier. Le sorcier resta la plupart du temps sur son lit à dormir. De temps en temps, il suivait la progression des deux de l’autre côté de la muraille, à travers les yeux du démon qui les suivait. C’était une opération qui ne suscitait pas trop d’énergie magique et puis, il ne restait que le temps nécessaire pour s’assurer que tout allait bien.
La première fois qu’il créa le contact, il les trouva en train de manger. Ils avaient trouvé refuge dans une petite pièce sombre et délabrée. Des débris couvraient entièrement le sol. Les deux compagnons avaient déblayé un cercle d’un mètre de diamètre pour se mettre à l’aise. Un rayon de lumière traversait le plafond par un trou dans le toit et allait s’échouer à terre. Buisan remarqua qu’ils avaient tous deux l’air sur leurs gardes. Il décida de les laisser manger et partit au rez-de-chaussée chercher de quoi se sustenter.
La deuxième fois qu’il essaya de regarder la progression de Fusd et Paëmeyl, ce fut un peu plus tard dans la matinée. L’Omien et le Sizzy circulaient dans une petite rue. De chaque côtés, s’élevaient des taudis qu’on aurait pu difficilement appeler maison. C’était au plus de petites cabanes de pierres constellée de craquelure. Certaines s’étaient même écroulée. Peu d’Omien circulaient dans la rue. La plupart marchaient d’un pas pressé. Seuls les infirmes se traînaient et ils étaient nombreux. L’un d’eux rampait sur le sol en gémissant. Personne ne s’arrêta pour le secourir.  Fusd et Paëmeyl ne stoppèrent pas non plus leur marche. Buisan les suivit pendant quelques rues. Partout, il vit les même taudis et la même hâte chez les gens. On avait l’impression que le ciel allait bientôt leur tomber sur la tête. Ce qui était d’ailleurs peut-être le cas.
A un moment, il observa un peu plus loin, deux Omiens qui se battaient avec rage. C’était un combat à mort. Ils se donnaient et recevaient des coup d’une force étonnante. Personne ne réagit face à cette agression gratuite et pourtant la rue n’était pas plus vide que les précédentes. Les gens qui la traversaient passaient à côtés des deux combattants sans réagir, s’écartant juste de leur rayon d’action pour ne recevoir aucun coup qui ne leur était pas destiné.  Après quelques secondes, l’un d’eux sortit un couteau et le planta dans l’estomac de l’autre. Fusd et Paëmeyl s’étaient immobilisés et avaient regardés la scène, prêts, à se défendre si l’Omien qui attaquait venait dans leur direction.
Buisan revint visionner leur périple le soir. Le Sizzy et l’Omien s’étaient abrités dans une autre cabane abandonnée. Apparemment, elles étaient facile à trouver à Dalayssë. Par rapport à la première, son toit avait complètement disparu. Pour tout plafond, ils avaient la voûte étoilée au-dessus de leur tête. Il ne restait pratiquement que des ruines de l’habitation. Le mage remarqua que les deux embusqués étaient nerveux comme lors de la première fois qu’il avait regardé.
Soudain, un flash de lumière éclaira le ciel pendant une fraction de secondes. Le bruit de l’explosion ne retentit que trois secondes plus tard. Pendant deux minutes, les explosions retentirent en rafale. Ce n’était pas un orage. Les flash de lumière n’étaient pas assez espacés et pas assez aléatoires pour que ça en soit un. C’étaient des attaques volantes. Buisan entendit entre les attaques un autre bruit de fond qui s’élevait de la rue. C’était moins fort que les explosions mais ça ne semblait pas vouloir finir. C’était le bruit d’une foule en colère.
« Va voir ce qui se passe dans la rue », commanda-t-il au familier.
Le démon lui obéit. Ce que vit le magicien le sidéra. Les Omiens étaient rassemblés dans la rue en une foule nombreuse et compacte. Tous tenaient une arme en main. La plupart avaient des bâtons ou des pierres. D’autres tenaient des frondes ou des arcs simples. Même des enfants, répliques miniatures des adultes, étaient sortis, armes en mains. Tous se dirigeaient vers le vacarme que produisaient les attaques.
« Demandes à Paëmeyl ce que ça signifie », ordonna-t-il.
Le familier retransmit le message. Au frémissement de Fusd, Buisan comprit qu’il avait ressenti le contact télépathique.
-Lors des attaques, expliqua l’Omien, les gens sortent avec ce qu’ils ont sous la main. Ils les lancent ensuite en l’air quand les sentinelles volantes passent au-dessus d’eux. Ils espèrent en toucher une. C’est déjà arrivé. Quand ça arrive, elle est mise en pièce par la foule en colère.
Buisan comprit alors quelque chose qu’il soupçonnait depuis le début : la guerre dans la Capitale-Prison ne s’était jamais finie. D’après ce que savait le mage, c’était sous la pression du Conseil Blanc qu’Ohur avait laissé la population Omienne vivre à Dala

yssë. Mais était-ce une bonne chose ? Si les Ohurites avaient renoncés à l’invasion de la capitale, par contre ils essayaient de détruire les Omiens petit à petit. Si la population de la cité les attaquait, s’ils se révoltaient, tant pis pour eux, ils recevront des représailles en retour.
Buisan coupa la communication et alla dormir.

Le lendemain, Fusd et Paëmeyl étaient dans le centre de la Capitale-Prison. Les rues étaient plus étroites et formaient un vrai labyrinthe ou il était facile de se perdre. Les cabanes avaient laissé la place à des demeures plus importantes. Aucune maison n’était en état. Toutes avaient subis des dommages que ce soit dû à l’âge, aux intempéries ou aux attaques. Certaines rues comportaient même un cratère en plein milieu, signe d’un précédent assaut.
Les deux compagnons étaient en train de traverser un marché. Les produits proposés étaient de pauvre qualité et les étals eux-mêmes avaient l’air mal en point. Passants et commerçants étaient vêtus de guenille. Certains avaient été mutilés et affichaient leurs handicaps comme un soldat sa médaille de guerre. Fusd et Paëmeyl se creusaient un chemin dans la foule. L’Omien indiquait la direction à prendre de l’un de ses bras d’insecte. Buisan les suivit pendant quelques minutes avant de stopper la connexion.
Paëmeyl ne devait plus être très loin de chez lui. Il devrait rejoindre sa maison dans la journée. Le sorcier espérait que ça arriverait quand il serait en train de regarder.
Pas de chance pour lui, il était en train de manger avec Obos’it et sa femme quand il reçut un message du démon.
« Maître, l’Omien est chez lui ».
Buisan avait ordonné au familier de le prévenir quand ils atteindraient la maison de Paëmeyl. Il informa Obos’it qui soupira de soulagement. Chrysalia les regardait un sourcil arqué.
Le sorcier attendit d’être remonté dans sa chambre avant de partager la vision du démon. La première image qu’il reçut fut celle d’un petit Omien qui courait en direction du familier. Celui-ci, toujours invisible, s’écarta du passage.
Le sorcier remarqua Paëmeyl dans un coin. Devant lui se trouvait un autre Omien. Il eut l’intuition que c’était sa femme. Elle ne portait pas de vêtement. Le mage avait observé lors d’une vision précédente que certains Omiens dans la ville n’en avaient pas non plus. Au niveau du bas ventre, l’Omienne avait une touffe de gros poils blanc d’un centimètre de diamètre. Il lui fallut un moment pour comprendre que c’était des tentacules qui ressemblaient à des tubes plutôt que des poils.
Paëmeyl et sa femme avaient leurs pattes de mantes religieuse, celles que l’Omien avait toujours gardé immobile sous sa tête de crocodile, jointes. Le sorcier sentit que ce moment était sacré pour les deux êtres. Ils étaient tous deux en communion.
Après un moment, le petit revint dans le champs de vision de Buisan et se dirigea vers les adultes. Paëmeyl et sa femme se séparèrent. Leur instant à eux était terminé. L’enfant alla vers l’Omienne la gueule ouverte. Alors, les tubes se mirent à frémir en chœur. L’un d’eux rampa vers le petit affamé et se glissa sans crainte entre ses mâchoires. Le tubes était une sorte de mamelle qui servait à nourrir la progéniture de cette race. Le nourrisson téta avec vigueur. Ce n’est qu’à cet instant-là que Buisan remarqua que la petite tête de crocodile était dépourvue de dent. Heureusement d’ailleurs car sinon il aurait entaillé le tentacule de sa mère en refermant la gueule.
Le mage interrompit la vision. Il n’avait pas besoin d’en savoir plus.

Les trois jours qui suivirent, il ne tenta pas d’observer au-delà des murs de Dalayssë Il se reposait totalement sans utiliser la moindre énergie magique en provision de la traversée de retour pour la petite troupe dans la Capitale-Prison. Ce fut au petit matin du quatrième jour qu’un appel du démon de l’autre côté le réveilla.
« Maître, ils sont presque arrivés ».
« Cachez-vous près de la muraille et restez-y toute la journée », répondit Buisan. « Nous vous libèrerons au soir ».
Le sorcier se leva et alla prévenir Obos’it. Celui-ci dormait dans un grand lit à côté de sa femme. Le magicien le secoua pour le réveiller.
-Qu’c’est ?, interrogea l’Ohurite d’une voix forte et ensommeillée.
Sa femme gémit dans son sommeil et se retourna sur elle-même mais ne se réveilla pas.
-Allons dans le couloir, murmura Buisan.
Obos’it était curieux de savoir ce qui se passait mais pas assez pour empêcher sa moitié de dormir. Il suivit donc le magicien.
-Qu’est-ce qui se passe ?, demanda-t-il cette fois totalement réveillé.
-Ils sont arrivés à la muraille, expliqua Buisan. Ce sera pour ce soir.
Le visage fermé d’Obos’it aux sourcils froncés se détendit peu à peu en entendant cette nouvelle et son visage s’éclaira.
-C’est une très bonne nouvelle, dit-il visiblement réjoui.
Il prit la main de Buisan et la serra fort entre les sienne puis l’agita de bas en haut.
-Doucement, ce n’est pas encore fini, déclara le sorcier.
L’Ohurite se calma un peu.
-Tu as raison, fit-il. Il reste un dernier passage difficile. Merci mon ami.
Obos’it rentra dans sa chambre. En regardant la porte se fermer, Buisan fut bizarrement ravi  qu’on lui ait attribué cette mission.
Le reste de la journée se passa lentement. Buisan se reposait. Il n’avait rien d’autre à faire. Il sentait maintenant l’énergie magique qu’il avait accumulé les jours précédents, couler dans ses veines et menacer de déborder. Il essayait de se tenir tranquille mais il ne tenait pas en place. Il fit les cent pas dans sa chambre. L’attente. A chaque mission, elle le tiraillait, elle l’écartelait, elle mettait, métaphoriquement parlant, sa chair à vif mais, comme toujours, il l’oublierait au moment de passer à l’action.

Enfin, le soir arriva. Buisan sortit pour voir le départ d’Obos’it. Comme la fois précédente, il superviserait les évènement de sa chambre. L’Ohurite sortit de la calèche et prépara les chevaux. Chrysalia observait aussi les préparatifs de son mari. Avant que celui ne parte, elle l’embrassa et le serra dans ses bras. Le sorcier les laissa dans leur bulle et rentra dans la maison. Il s’enferma dans sa chambre et entreprit de réveiller les trois Obils restants. Il les avait enfermé dans de petites poupées de roseau ou ils étaient en train de dormir. Il procédait toujours de la sorte avec les familiers dont il n’avait pas besoin de façon à ce qu’ils ne s’épuisent pas quand il ne les utilisait pas. Il sortit, sans hésiter, trois poupées parmi la vingtaine qu’il avait dans son sac. Il savait de façon sûre que c’étaient les bonnes. Il n’avait aucun doute là-dessus. Il ressentait l’essence des trois Obils dans les effigies de roseau.
Quand un invocateur appelait un démon dans ce monde, un lien s’établissait entre eux. Ce lien permettait entre autre à Buisan de savoir en se concentrant quel démon établissait le contact télépathique avec lui. Néanmoins ce lien s’affaiblissait au bout de quatre-cinq kilomètres. Il ne disparaissait pas mais s’amoindrissait. Sa seule utilité alors était de permettre de connaître tout le temps la direction ou se trouvait le démon. C’était ce lien qui permettait à Buisan de reconnaître instantanément la poupée qui enfermait le familier qu’il recherchait parmi toute sa collection.
Buisan aligna les trois poupée au sol. Il concentra son énergie magique dessus. Les démons s’extirpèrent du roseau tels des papillons sortant de leurs cocons. Le mage leur commanda de suivre la charrette. Les familiers obéirent et s’envolèrent par la fenêtre, désormais invisibles pour tous.

Il dut ensuite attendre. Les heures passèrent sans qu’il reçut de nouvelles. Il essaya de se reposer avant le final mais il était trop nerveux pour ça.
Peut-être aurais-je dû accompagner Obos’it ?, songea-t-il.
Mais il écarta très vite cette idée. Les supérieurs de la confrérie n’auraient pas apprécié de le voir risquer inutilement sa vie.
Sans savoir pourquoi, au fur et à mesure que le temps passait, un mauvais pressentiment grandissait dans son esprit. Pourtant tout semblait calme, trop calme même. Ses familiers le préviendraient en cas de problème, non ? Il les contacta pour s’assurer que tout allait bien. Il réussit à contacter le familier qui suivait Chrysalia et celui qui accompagnait Fusd et Paëmeyl. L’Omien et le Sizzy, embusqués, se cachaient non loin de la porte, immobiles. La femme de l’Ohurite, elle, ne tenait pas en place. Elle évacuait sa nervosité en ouvrant et refermant portes et tentures. Buisan se souvenait qu’Obos’it avait déclaré que sa femme avait toujours eu cette manie depuis qu’il la connaissait. Il avait dit qu’elle le faisait surtout quand elle était inquiète.
Le sorcier se désintéressa très vite d’elle et essaya de contacter les Obils. Sans succès. Obos’it était hors de son champs d’action.
Buisan dut encore attendre une petite heure avant d’entendre un message télépathique d’un des trois familiers.
« Maître, nous sommes sur place », déclara-t-il.
« Bien, vous savez ce que vous avez à faire », répondit le mage.
Les Obils se mirent en place. Quand ils commencèrent à bombarder les gardiens d’ondes hypnotiques, Buisan prévint Paëmeyl et sa famille.
Le sorcier les observa lors de leur progression. Fusd les guida de la même manière qu’à l’aller. Ils s’arrêtaient et se cachaient dans toutes les cachettes possibles que ce soit derrière un rocher, un buisson ou à l’intérieur des maisons abandonnées. Leur avancée fut plus lente cette fois car il y avait plus de monde ce qui rendait le Sizzy plus prudent
Enfin, ils arrivèrent devant la porte. Elle fut plus dure à ouvrir que la première fois. Fusd et Paëmeyl durent se mettre à deux pour entrouvrir l’un des battants suffisamment pour qu’ils puissent tous passer sans encombre.

Ce fut à ce moment-là, que Buisan sentit que l’un de ses démons voulait le contacter. Le sorcier ne pouvait pas enclencher deux discussions télépathique de front ni même emprunter la vision d’un familier et parler télépathiquement avec un autre. Cela lui était impossible. Par contre, il pouvait bien sûr discuter et emprunter la vision d’un même démon.
Il abandonna donc ce qu’il regardait pour répondre à l’appel.
« Que se passe-t-il ? », questionna-t-il.
« ...tention, ...rière...ous..., ...aître », répondit le familier.
Dans le même temps, il se retourna. Il arrêta son geste, surpris. Il y avait une autre personne dans la chambre. Le sorcier ne l’avait pas entendue rentrer, concentré comme il était sur la scène qu’il voyait en esprit. Chrysalia était là, devant lui. Elle tenait dans la main un poignard effilé.
Voyant qu’il l’avait aperçue, elle se jeta sur lui, pointe vers l’avant. Sous le choc, Buisan s’écroula au sol, luttant pour sa vie. La femme d’Obos’it visait sa gorge du tranchant de la lame. Le mage avait saisit le poignet de l’attaquante et essayait de l’éloigner de lui. Malgré sa force, il n’arrivait pas à prendre le dessus. Pire, l’arme progressait lentement mais inexorablement en direction de son cou dénudé. Il se croyait perdu. Dans peu de temps, Chrysalia plongerait le poignard dans sa chair, son sang coulerait sur le sol et il perdrait à tout jamais son souffle.
Buisan était prêt à abandonner la lutte et à se laisser tuer quand l’Ohurite lâcha un petit cri ou se mélangeaient douleur et surprise. Elle se mit à trembler puis s’écroula sur le magicien. Celui-ci, hébété, resta un instant transi de surprise. Chrysalia avait beau être petite, elle pesait son poids. Elle étouffait pratiquement le sorcier qui se tortilla pour se dépêtrer du corps qui l’empêchait de respirer.
Quand il fut à nouveau debout, il observa la femme d’Obos’it. Elle était allongée sur le sol, immobile. Elle avait un gros trou dans la poitrine du côté ou se trouvait le cœur. Une tâche de sang était en train de se répandre sur le sol.
Quelqu’un avait sauvé Buisan. Il regarda de tout côté mais il ne vit tout d’abord personne. Puis, il aperçut un dard dégoulinant de sang flottant à un mètre du sol. C’était le démon qu’il avait chargé de surveiller Chrysalia. Le reste de son corps était invisible et même le dard l’aurait été s’il n’avait pas été souillé. Le démon faisait d’ailleurs disparaître le sang à coups de langue.
-Merci, remercia Buisan sincère.
-Il n’y a pas vraiment de quoi, maître, répondit une voix rauque. Je ne faisais que protéger mes intérêts.
Le familier s’arrêta un moment puis reprit :
-Quelque chose de bizarre s’est passé, maître. J’ai voulu vous avertir plusieurs fois des intentions de cette femme mais ce n’est que quand elle est arrivée dans votre chambre que vous avez réagi. On aurait dit que quelque chose brouillait mes ondes mentales.
Cette phrase laissa Buisan songeur. Il se souvenait très bien de la phrase entrecoupée qu’il avait reçue juste avant de se retourner. Tout cela était étrange.
Il fouilla Chrysalia. Elle n’avait rien dans les poches qui puisse expliquer le phénomène. Il finit par trouver ce qu’il cherchait autour de son cou. Elle avait un pendentif cassé qui était lié par une ficelle. Le mage reconnut cet objet pour ce qu’il était.
-C’est un brouilleur magique, murmura-t-il.
Les brouilleurs servaient surtout à rendre leurs porteurs impossible à localiser par des magiciens quelques soit les protections dont il puisse s’être entouré. Ils avaient aussi d’autres effets secondaire comme celui de faire des interférence dans les rayons d’ondes magiques dans un petit périmètre autour de l’objet. Ce qui expliquait que Buisan ait reçu le dernier message télépathique brouillé. Celui qu’il tenait en main était percé d’un trou. Apparemment, en le sauvant, le démon avait transpercé l’objet de son dard.
La vue du brouilleur plongea le magicien dans l’effroi.
-Par les dieux, jura-t-il. J’espère qu’il n’est pas trop tard.
Il essaya d’emprunter de nouveau la vue du familier qui se trouvait aux côtés de Fusd et Paëmeyl mais il se trouva dans l’impossibilité de percevoir l’image. Dés qu’il tendait son esprit, un écran noir lui barrait la route.
-Merde, tempêta-t-il.
Il n’avait plus le choix, il devrait procéder dans l’urgence et agir plus directement. Il sortit de son sac une autre poupée. Avant de libérer le démon à l’intérieur, il ajouta pour celui qui l’avait sauvé :
-Restes-ici, le temps que je les sauve. Protèges tout ce qui se trouve dans la maison.
Et sans plus s’occuper du familier, il concentra son énergie sur la poupée. Un démon en sortit. Il ressemblait à un corbeau de deux mètres de haut et avec une queue de lézard à la place des plumes à l’arrière.
-Que puis-je pour vous, maître ?, s’exprima le corbeau.
-J’ai besoin de ton aide pour sauver des personnes, répondit Buisan.
Sans attendre, il se hissa sur le dos de l’oiseau. Le démon prit son envol à l’intérieur de la chambre. A peine eut-il les pattes au dessus du sol que le sorcier et sa monture se transformèrent en obscurité. Le corbeau traversa le plafond et le toit de la maison en se coulant par les interstices. A l’air libre, toujours semblable à des ombres, il vola à toute allure dans la direction que lui indiquait Buisan. Celui-ci avait du mal à percevoir la piste des démons près des murs de Dalayssë. Il n’arrivait à les saisir que par intermittence. Heureusement, il savait ou aller.
Ils s’élançaient à très grande vitesse vers la Capitale-Prison. Le sorcier espérait qu’il ne serait pas trop tard quand ils arriveraient.

Enfin, ils aperçurent Dalayssë. La métropole était immense. Jusqu’à l’horizon, ce n’était que marée de bicoque qu’aucunes lumière n’éclairaient.
Au pied de la muraille par contre, des centaines de flambeau, chacun tenu par un soldat Ohurite, éclairaient le terrain.
Buisan baissa d’altitude en espérant retrouver ses compagnons de routes mais suffisamment haut pour échapper à l’action collective des centaines de brouilleurs que portaient les soldats.
Enfin, il aperçut Paëmyl, sa femme et son enfant qui s’enfuyaient. Le mage voyait de haut que les guerriers à leurs trousses les poussaient en direction  de la muraille, espérant peut-être les prendre au piège. Il s’élança dans leur direction.

Les soldats les avaient encerclés. Ils ne se pressaient plus. Plus besoin, ces trois Omiens ne seraient pas assez fort pour les combattre tous et être victorieux. Ces pourritures allaient regretter de ne pas être restés à l’intérieur des murs de Dalayssë avec tous les inférieurs de leur race. Les soldats se rapprochèrent encore un peu plus. Tous arboraient un rictus cruel sur leurs visages angéliques de lutin. Le sang les appelait. Ils ne tueraient pas simplement ces Omiens, ennemi tant haïs. Non, ils les feraient souffrir de longues heures jusqu’à ce qu’ils supplient qu’on mette fin à leurs jours. Les soldats se feraient alors une joie de les exaucer.
Ils allaient attaquer les fuyards quand une ombre tomba du ciel et enveloppa les Omiens. Quand elle s’effaça, ils n’étaient plus là. Un cri de rage et de stupeur s’éleva de centaines de gorges.

Buisan riait du tour qu’il venait de jouer à ces guerriers. Paëmeyl et sa famille se trouvaient sur le dos du corbeau que ce poids supplémentaire ne dérangeait nullement.
-Ou sont Fusd et Obos’it ?, questionna le mage après s’être calmé.
-Il sont morts tous les deux, répondit Paëmeyl. On était à peine sortis de la ville quand les torches flamboyèrent tout autour de nous. Les soldats ont chargé Obos’it et l’ont tué avant qu’il ne puisse réagir. Nous avons fui mais Fusd s’est écroulé les mains des deux côtés de la tête quand il nous eurent presque rattrapés. Nous vous devons une fière chandelle. Sans vous nous y passions aussi.
L’Omien regarda un moment sa femme qui ne disait rien puis reporta son attention sur le sorcier.
-Que s’est-il passé ?, demanda-t-il.
-Nous avons été trahi, répondit Buisan.
-Qui ?
-La femme d’Obos’it. Elle ne nous posera plus de problème. Elle est morte.
Le corbeau se coula dans la maison dans le sens inverse que la première fois. Quand ils posèrent pied sur le plancher, ils retrouvèrent tous leur consistance naturelle.
-Nous devons partir, s’exclama le sorcier. Rassemblez toutes les affaires que vous pouvez, je descends préparer la charrette.
En même temps, il commandait à l’un de ses démons d’emporter ses affaires à lui.
Avant de descendre, il fouilla toutes les chambres. Il dénicha enfin le fils d’Obos’it. Il le prit dans ses bras. Il pensa un moment emporter aussi le cocon qui se trouvait dans la pièce en face de sa chambre mais il ne donna pas suite à cette idée.
Il descendit les marches et prépara l’une des charrettes. Il y déposa l’enfant.
Trois minutes plus tard, ils partaient. Paëmeyl n’avait rien dit en voyant le petit Ohurite. Sa femme détourna le regard. Seul leur enfant l’observait curieux. Buisan essaya de les guider à travers les mêmes routes qu’ils avaient empruntés à l’aller. Ses familiers l’aidaient dans cette tâche. Le sorcier avait renvoyé les Obils à la première halte. Il n’avait pas pu le faire avant, préoccupé qu’il était de fuir la maison d’Obos’it. Il resta sur ses gardes tant qu’ils restaient à Ohur. Il redoutait une attaque. Rien de tel ne se passa.
Ils repassèrent par le même col que la première fois et le mage récupéra le familier qu’il avait laissé avec le vieillard qui les avait aidés.
De l’autre côté, Buisan se prépara à se séparer de ses compagnons. Avant de s’en aller, il tendit le fils d’Obos’it à Paëmeyl. Celui-ci recula d’un pas.
-Je veux que tu l’éduque, exigea le sorcier. En souvenir de celui qui t’a aidé à rendre la liberté à toi et à ta famille.
L’Omien hésita encore.
-Il temps que vos deux peuples fassent la paix et cessent d’envahir ses voisins, continua Buisan. Commence à faire la paix avec ce petit être.
Et il posa de force le petit dans les bras d’insecte de Paëmeyl. Ce dernier ne le fit pas tomber ni ne le rejeta. Non, il le garda tout simplement contre lui.
Buisan prit un objet dans un compartiment secret de son sac. C’était un simple anneau de bois mais quand il le mit à son doigt, il disparu avec ses biens. Il s’était téléporté dans son laboratoire.
Paëmeyl regarda l’endroit ou se trouvait encore le mage une seconde auparavant. Après une dizaine de secondes, il se détourna et remonta dans la charrette. Il portait encore dans ses bras le petit Ohurite.

Publié dans Récits

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E
<br /> Tout simplement génial ! J'ai adoré ^^<br /> <br /> <br />
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