Chevalier blanc, chevalier noir

Publié le par Stelio

Après un retard un petit retard (veuillez m'en excuser), voici ma troisième nouvelle.
C'est une nouvelle entre "fantastique" et "Héroic Fantasy".
Elle s'appelle "Chevalier blanc, chevalier noir"

Elle devrait vous plaire.
Si jamais vous trouviez quelques fautes, signalez-le moi dans les commentaires.
C'est une nouvelle assez courte, suffisamment en tout cas pour tenir dans un seul article.

 



Chevalier Blanc, Chevalier noir

La grotte se trouvait bien à l'endroit qu'avaient indiqué les villageois. Le chevalier vêtu de son armure blanche avait démarré tôt le matin avec les consignes des paysans en tête pour trouver la grotte. Le chevalier blanc avait été atterré quand il avait compris qu'il n'existait aucune carte de la région. Les villageois n'en avait pas l'usage, aucun d'eux ne savait ni lire ni écrire. Le paladin soupçonnait que ceux qui auraient pu en avoir l'usage d'une carte ne l'avaient jamais fait par peur.

Malgré ce manque, les paysans lui avaient donné d'assez bonnes indications pour qu'il puisse trouver la caverne. Le chevalier blanc l'avait atteinte en milieu d'après-midi. Sur sa monture, il s'était dirigé vers une montagne qu'on voyait au loin. La route n'avait plus été réparée depuis longtemps. Elle était pleine de bosse et de creux, certains devaient être là depuis des années. Sa monture avait avalé les kilomètres durant des heures. Au loin, une forêt était apparue au pied de la montagne. Selon les information qu'il avait récoltée, la grotte se trouvait dans une clairière au milieu du bois. En arrivant près de l'orée de la forêt, il avait ralenti l'allure. La route disparaissait presque totalement. Des arbres avaient poussé au milieu des pavés rendant la circulation difficile. Le chevalier blanc avait observé le côté droit de la route. Les villageois lui avaient parlé d'une piste qui s'écartait de la route non loin d'une grande pierre ressemblant à un corbeau.
Il avait fini par la voir. C'était vrai qu'elle avait une vague ressemblance avec l'oiseau. Il était descendu de son cheval et avait continué sur le minuscule sentier en le tenant par la bride.

Il avait avancé de la sorte lentement jusqu'à ce que s'ouvre devant lui une petite clairière. La grotte s'ouvrait dans le flanc d'une falaise. Sur la gauche, un ruisseau descendait en cascade de la falaise et allait perdre son cours tumultueux parmi les arbres. A droite de la grotte, un ou deux petits monticules herbeux parsemaient le terrain. Un grand banc de pierre se trouvait au centre de la clairière. Dessus, un bol de terre cuite ébréché reposait, vide.
Dans la grotte se trouvait le chevalier noir, l'ennemi juré des chevaliers blancs. D'après les récits qui étaient venus aux oreilles du paladin, lors de son installation dans la région, il avait pillé les villages, tués les paysans et violé leurs femmes. Quand le massacre s'était terminé, il avait obligé tous les villageois à lui céder chaque jours un peu de nourriture sous peine de représailles. Jamais personne n'avait tenté de se soulever depuis lors. La terreur qui émanait de ce sinistre individu était si grande que nul ne voulait tenter le diable. Depuis, des offrandes quotidiennes étaient laissées sur la pierre.

Le chevalier noir était devenu le seigneur de la région. Vu l'état des routes, il ne devait pas trop se préoccuper du bonheur de ses citoyens. D'après les informations que détenait le chevalier blanc, l'homme à l'armure sombre vivait dans cette grotte. Il n'en sortait plus que pour boire à la source et manger les offrandes. Sa seule présence dans la forêt la rendait sinistre.

L'ordre des chevaliers blanc avait la charge de faire justice et d'attraper les criminels pour les empêcher de nuire à jamais. Le paladin n'était pas le premier de son ordre à tenter l'aventure. Trente de ses congénères s'étaient lancé dans cette quête, chacun agissant seul. Aucun n'étaient revenus. Le chevalier blanc n'avait pourtant aucune crainte. Il défierait le chevalier noir et tuerait son adversaire. Quand il reviendrait parmi les siens, il serait couvert de gloire.

Le paladin portait une armure, heaume compris, d'un blanc que la poussière des routes avaient grisée légèrement. A sa ceinture, son épée à deux mains reposait dans son fourreau. Son cheval portait près de la selle un sac avec tout le matériel qui pourrait être utile au chevalier. Il y avait notamment un briquet à amadou et quelques torches qui lui permettrait d'y voir clair dans la grotte.
Il enleva le sac du cheval et l'attacha à sa ceinture de l'autre côté de l'épée. Il n'attacha pas sa monture à un arbre. Elle ne s'enfuirait pas, elle était trop bien dressée et, si jamais il arrivait quelque chose au chevalier, elle serait libre de gambader.

Il sortit l'épée de son fourreau, alluma une torche et pénétra dans la grotte. Une dizaine de mètres plus loin, il arriva au premier embranchement. Il remarqua un symbole entre les différents passage mais il n'y prit pas garde et choisit un tunnel au hasard.
La caverne se trouvait être un réseau complexe de galeries labyrinthiques dont nul, à part le chevalier noir, ne possédait les plans. Le chevalier blanc se perdit rapidement dans ce dédale.
Il avait déjà épuisé sa première torche et était à la moitié de sa deuxième quand il remarqua quelque chose d'étrange dans le tunnel devant lui. Quelque chose était couchée dans la pénombre. Il pouvait apercevoir une silhouette sur le sol. Il s'approcha très lentement prêt à frapper de la pointe de son épée. Devant ses yeux, apparut un squelette en armure blanche. La forme couchée n'était rien d'autre que l'un de ses prédécesseurs qui avait tenté l'aventure avant lui.
Arrivé à cinq mètres du cadavre, il remarqua des marques étranges sur l'armure de son congénère. Le chevalier blanc s'arrêta instantanément. Quelles étaient ces marques sur l'armure? Le squelette était couché face contre terre. Le paladin ne voyait que l'arrière de son crâne ou toute trace de cheveux et de chair avait disparu. Il avait dû tomber brutalement, son casque avait roulé trois mètres plus loin.
En avançant d'un pas, il remarqua que la cuirasse avait été transpercé au niveau des côtes. Comment était mort le malheureux? Visiblement pas de faim. Y avait-il un danger caché dans ce tunnel? Le chevalier blanc regarda la galerie. S'il y avait un piège, il était bien dissimulé.
Deux solutions s'ouvraient au paladin. Soit il rebroussait chemin et cherchait un autre passage, soit il tentait sa chance ici en sachant qu'il y avait un piège. Il resta pensif quelques secondes. Finalement, il fit son choix.
Il rangea son épée et commença à courir. Peut-être qu'en étant rapide, il éviterait le danger. Il était presque arrivé au niveau du cadavre quand il trébucha sur une petite pierre qui dépassait. Il s'étala de tout son long, face contre terre.
Sa torche s'éteignit en heurtant le sol. Le chevalier blanc resta un long moment sans bouger, le cœur cognant contre ses tempes.
Rien ne se passa.

Le paladin fouilla à tâtons dans son sac après son briquet. Quand il l'eut retrouvé, il ralluma sa torche. Comme la flamme brûlait à nouveau, il lui fallut un petit moment d'adaptation avant de pouvoir voir correctement. Lentement, il quitta sa position couchée et se mit accroupi. Pour une raison inconnue, il n'avait pas déclenché le piège. Il regarda le corps de son confrère. Il remarqua un morceau de sol légèrement différent en dessous des jambes du squelette. Quand l'ancien chevalier avait succombé, il était, sans le savoir, tombé sur le déclencheur du piège protégeant de la sorte toutes personnes qui viendraient dans ce passage.
Cette mésaventure apprit quand même une chose au chevalier, les déclencheurs étaient visibles. Il pourrait les éviter tant qu'il aurait de la lumière mais il ne savait pas ce qu'il ferait au moment ou il n'aurait plus de torche.

Il allait se redresser quand il aperçut quelque chose dans le poing fermé du cadavre. Précautionneusement, il déplia les doigts serrés. Ce ne fut pas difficile, il ne restait plus que des os sous le gantelet de fer. Peu à peu, le chevalier blanc mis à jour un rouleau de parchemin. En le déroulant, il découvrit une carte tracée à l'aide d'un charbon de bois. Le morceau de charbon avait dû être taillé très fin car, malgré le matériau utilisé, la carte n'était pas grossière.
A la lueur du flambeau, le chevalier remarqua que la caverne était beaucoup plus complexe qu'elle ne l'avait paru au premier abord. Des symboles avaient aussi été dessinés. Il y en avait de deux sortes: Ceux tracés en plein milieu des passages et ceux tracé aux carrefours.
Le chevalier comprit très vite que les symboles dans les galeries désignaient l'emplacement de piège. Certains représentaient des pics ou des haches mais la plupart étaient formé de trois triangle ininterrompus en spirale que le chevalier interpréta comme voulant dire « piège de nature indéfini ».
Le paladin eut plus de mal à identifier la seconde série de signes. Qu'est-ce que ça pouvait être? Ce n'est qu'en se rappelant avoir vu un symbole au premier croisement, qu'il comprit leur signification. Ces signes étaient des repères. Qu'ils aient été gravés par le chevalier noir ou par l'un des chevalier blanc à sa recherche, il était sûr qu'on les avait tracés pour retrouver son chemin. Chacun était unique. Aucun ne se répétait si bien qu'il était impossible de confondre un symbole avec un autre.

Muni de la carte, le paladin se releva. Il aurait maintenant plus de facilité à trouver l'endroit ou se cachait le chevalier noir.
En dépassant le mort, le chevalier blanc heurta quelque chose qui roula un mètre plus loin. Il crut d'abord que c'était un caillou quelconque mais il aperçut un triangle sombre dont l'une des pointes était très fine. Il le ramassa et remarqua que c'était un morceau de charbon taillé. Probablement celui qui avait servi à dessiner la carte. Il le mit dans son sac avec le plan.

Arrivé au croisement, il s'arrêta. Deux autres passages s'ouvraient. Le signe du carrefour se répétait entre chaque galeries avec plus ou moins de rudesse. Le symbole représentait deux rond qui laissaient tomber chacun un fil tracé dans la pierre qui se rejoignaient en un seul en dessous du deuxième cercle et ce fil unique remontait sur la droite et finissait en flèche au niveau des cercles.
Le chevalier chercha le symbole sur la carte. Le plan était si complexe qu'il lui fallut bien trois minutes avant de le trouver. Quand il l'eut repérer, il resta songeur quelques minutes.
Manifestement, le mort avait dessiné lui-même la carte.
Le chevalier ayant été tué par un piège et la carte n'étant pas complète, on pouvait supposer que l'antre du chevalier se situait dans les parties cachées du labyrinthe. Celles que le mort n'avait pas explorées.
Le chevalier blanc n'était pas très loin de ces territoires inconnus. Il n'aurait qu'à emprunter un ou deux passages pour arriver à l'une des galeries non marqué sur la carte.
Il se mit en route. Il devait être prudent car il y avait un piège dans la galerie qu'il empruntait, selon la carte.
Il remarqua une portion de sol légèrement différente en avant. Ce devait être le déclencheur du piège. Comme il ne faisait pas toute la largeur du couloir, le chevalier put le contourner sans problème.
Arrivé à l'intersection, il vérifia sur la carte. Il était au bon endroit.
Sur les galeries devant lui, deux n'étaient pas indiqués sur le plan. Le paladin en choisit une au hasard.
En poursuivant sa route, il continua de tracer la carte à l'aide du morceau de charbon taillé qu'il avait trouvé près du mort. Il dessina passages, symboles d'intersection et de pièges avec le plus de précision dont il était capable.
Il erra longtemps dans le labyrinthe et à plusieurs reprises retomba sur ses pas.

Quand il arriva enfin dans une grotte habitée, il ne lui restait plus que deux torches dans son sac et un peu moins du quart d'une troisième dans sa main.
La caverne était meublée sommairement. Il y avait en tout et pour tout, une petite table et une chaise grossièrement taillés et au sol un vieux tapis effilé. Accrochées au mur, deux torches produisaient une lumière vert émeraude et donnaient une lueur étrange à la pièce.
Un seul autre passage s'ouvrait dans la caverne. Le chevalier le suivit. Des flambeaux du même vert étaient disposés à deux ou trois mètres les uns des autres.
Il avait à peine parcouru vingt mètres quand il vit une caverne s'ouvrir sur la droite. En approchant, il entendit un bruit métallique. Il raffermit sa prise sur le pommeau de son arme prêt à frapper au moindre danger.
Il surgit dans la grotte par surprise. Un cri de peur retentit à son arrivée. Le chevalier s'arrêta déconcerté.
Le chevalier noir n'était pas dans la salle. A sa place, il y avait une femme. Elle était nue. Des tâches de saleté lui parsemaient le corps et ses cheveux, collés les uns aux autres, étaient de couleur indéfinissable tellement ils étaient encrassé. Elle ne devait plus avoir pris de bain depuis des années. Des chaînes fixées au mur l'empêchait de s'enfuir. Elle était recroquevillée contre la paroi.
A sa vue, le paladin baissa son épée. Il n'était pas là pour la tuer. Il essaya de s'approcher pour la réconforter mais quand elle le vit venir, elle se pelotonna encore plus sur le mur et poussa des petits cris de frayeur.
Le chevalier blanc renonça.
Il sortit de la grotte et continua de suivre la galerie.
Il arriva enfin dans une grande caverne aux nombreuses stalactites. Des torches étaient disposées un peu partout et éclairaient l'endroit de leurs flammes émeraudes. Le seul meuble présent dans la grotte était un grand trône creusé à même la paroi.
Le trône était vide.

En entrant, le chevalier blanc serra la garde de sa lame plus fort que nécessaire. Il n'y avait de trace du chevalier noir nulle part.
Mû par un instinct, le paladin se retourna juste au moment ou on essayait de le tuer d'un coup d'épée. Le chevalier noir s'était caché près de l'entrée de la grotte.
Son armure sombre comme une nuit sans lune ressemblait fortement à celle du chevalier blanc mis à part la couleur.
Sous le heaume sombre, se trouvait un visage long et fin, des yeux cernés et une longue barbe noire qui n'avait plus dû être taillée depuis longtemps.
-Pars tant qu'il est encore temps, menaça le chevalier noir.
Sa voix était éraillée mais compréhensible.
-Jamais, répondit le chevalier blanc.
Son adversaire l'attaqua. Il eut à peine le temps de lever son épée pour se protéger.
Ils échangèrent quelques coups puis reculèrent.
-Je vous vaincrais, s'écria le paladin.
Et il repartit à l'attaque. Les deux hommes en armure se trouvaient maintenant engagés dans un combat féroce ou chacun essayait de vaincre l'autre avec toute l'habilité qu'il possédait.
Ils finirent par se retrouver lame contre lame dans un duel de force.
-Abandonnes, enjoignit le chevalier noir tout en essayant de faire plier le chevalier de l'ordre. Tu ne sortiras pas vainqueur de ce combat.
Sans prévenir, il donna un coup de poing à son ennemi. Le chevalier blanc, surpris, ne sut pas éviter le coup. Le chevalier noir n'avait même pas fini son geste qu'il le repoussa d'un coup de pied dans la cuisse. Le paladin roula au sol et s'arrêta deux mètres plus loin. L'homme à l'armure sombre ne profita pas qu'il était au sol pour l'attaquer. Il montra de son gantelet, doigt tendu, l'une des galeries qui s'ouvrait dans la grotte.
-Prends ce passage, déclara-t-il. Il te ramènera dehors directement.
-Jamais, rugit le chevalier blanc en se relevant.
-Alors tu es perdu, fit le chevalier noir.
Il battit en retraite. Le paladin le prit en chasse.
Arrivé près du trône de pierre, le chevalier noir fit volte-face. Le combat reprit de plus belle. Les deux adversaire combattaient avec rage.
Le chevalier blanc haïssait le chevalier noir. Cet être n'avait vraiment aucune morale. Il se servait de la peur des villageois pour les extorquer et ce qu'il avait fait à cette jeune fille emprisonnée dans la caverne voisine était d'une cruauté sans nom. Il n'avait même pas osé l'attaquer de front la première fois et, dès qu'il le pouvait, il essayait de lui faire changer d'avis alors que sa décision était prise et que rien ne l'écarterait de sa route.
Les deux combattants semblaient de forces égales. Chacun dominait le combat à tour de rôle sans pouvoir éliminer l'ennemi. A chaque moment, une feinte pouvait retourner la situation en la faveur de l'adversaire et anéantir le faible avantage de l'autre.

A un moment, le chevalier noir sauta sur le trône. Il avait désormais l'avantage d'être en hauteur et d'avoir par conséquent une allonge plus longue. Mais il devait faire gaffe aux coups bas du chevalier blanc et sauter de temps en temps pour ne pas se faire trancher les jambes.
Alors qu'il sautait pour éviter un autre coup d'épée, il fut déséquilibré et roula sur le sol.
Il se relevait quand, d'un coup de sa lame, le chevalier blanc lui trancha le bras. Du sang gicla sur l'armure immaculée.
Le chevalier noir hurla de douleur. Il était sans défense. Son bras, désormais détaché du reste du corps, tenait encore le pommeau de l'épée bien serré dans ses doigts.
Il porta son autre main sur son moignon sanguinolent. Le sang rougit le gantelet de fer qui protégeait les doigts.

Le chevalier blanc avança lentement. Il ne risquait plus de riposte. La partie était déjà jouée. Le chevalier noir allait disparaître et quand le paladin reviendrait parmi ses congénères, il serait acclamé en héros.
Il s'arrêta à un mètre de son adversaire agonisant. Le chevalier noir leva la tête à son approche.
-Tues-moi rapidement, supplia-t-il.
Il ferma les yeux et attendit. Le paladin resserra sa main sur son épée mais resta immobile. Ne sentant pas le coup venir, le chevalier sombre rouvrit les paupières.
-Pourquoi hésites-tu?, s'emporta-t-il. Tu aurais dû partir comme je te l'avais demandé. Maintenant, il est trop tard. Le sang a déjà coulé...
Le chevalier noir s'arrêta. Son bras le faisait souffrir atrocement. Il grimaça de douleur. Le paladin de l'ordre le regardait toujours immobile.
-Tu aurais dû me laisser mourir de vieillesse, reprit le blessé.
L'étonnement se lut sur le visage du chevalier blanc. Il fut très vite remplacé par la colère.
-Non, rugit-il. Il n'était pas question que je te laisses en vie après toutes les actions mauvaises que tu as perpétrées et en sachant la menace que tu fais peser sur la région.
-J'ai déjà payé pour mes crimes, chuchota l'homme à l'armure de nuit.
Il reprit plus haut.
-Alors tues-moi rapidement qu'on en finisse.
Le chevalier noir ferma à nouveau les yeux et tendit son cou au maximum. Le chevalier blanc leva son épée. Son adversaire avait raison. Il était inutile de le faire souffrir même après tout ce qu'il avait fait. La torture était indigne d'un paladin de l'ordre.
-Quand tu m'auras tué, enterres-moi dans le bois, murmura le chevalier noir.
Ce furent ces dernières paroles.
Le chevalier blanc abattit son épée. La lame transperça les chairs de la nuque mais resta fichée dans les cervical. Il n'avait pas mis assez de force dans son geste. La tête du chevalier noir pendait sur sa poitrine seulement retenue par cinq centimètre de chair.
Le chevalier blanc retira son épée d'un coup sec. Du sang gicla de la blessure et atterrirent sur le poitrail auparavant immaculé.
Le paladin abattit une deuxième fois son arme. La tête tomba au sol et le corps s'écroula. Le sang jaillit à gros bouillon du cou tranché et s'épancha à terre salissant par la même occasion encore plus l'armure du chevalier blanc de gouttelettes rouge.

Le chevalier noir était mort mais avant qu'il puisse se reposer, le paladin devait encore réaliser la dernière volonté de l'homme à l'armure sombre. Il avait peut-être été son ennemi et un dangereux criminel mais il avait été un très bon combattant. Le chevalier blanc lui devait bien cet hommage même s'il avait été le pire brigand de la région.
Il prit le corps décapité dans ses bras. Sous le poids combiné de l'homme et de l'armure, il vacilla mais se reprit très vite en lâchant un juron. Il s'engagea dans le tunnel que le chevalier noir lui avait indiqué comme étant la sortie.
A l'intérieur, une torche brulait tous les mètres permettant ainsi une bonne visibilité dans l'étroit boyau.

Il avait fait à peine quelques mètres quand il remarqua un long coffre de bois contre l'un des murs. Pris d'une soudaine inspiration, le paladin lâcha son lourd fardeau et se dirigea vers la boîte.
Le couvercle s'ouvrit sans effort. A l'intérieur se trouvait une toile d'un tissus grossier et à chaque bout deux branche qu'on avait taillées. Il y avait aussi une pelle dans un coin. La toile et les branche n'était rien d'autre qu'un brancard.
Le chevalier sortit la civière et la posa bien à plat sur le sol. Il y déposa le cadavre qu'il avait laissé tombé par terre. Il alla ensuite chercher la tête et le bras du chevalier noir qu'il posa à côté du corps. Il déposa en dernier lieu la pelle et se remit en route.

Pendant une bonne heure, le paladin traîna derrière lui son lourd fardeau le plus délicatement possible à travers la galerie. S'il faisait un geste trop brusque, la tête roulait et il devait s'arrêter pour la remettre en place.
Aucun autre passage ne s'ouvrait que ce soit vers la droite ou vers la gauche. Il ne pouvait qu'avancer ou reculer. Il espérait que le chevalier noir lui avait dit la vérité, qu'il ne finirait pas dans un cul-de-sac ou dans un piège. Ca ne l'aurait pas étonné que son adversaire lui ait menti mais jusqu'à présent cette galerie semblait bien mener à la sortie.
Toute les quart-d'heure, le chevalier blanc faisait de petites pause. Il ne devait peut-être plus porter le lourd fardeau mais même en le traînant le corps du perdant était lourd.

Enfin, un point de lumière verte apparut au loin. L'éclat était beaucoup plus vif que la lueur des torches même d'aussi lointain. Cette vue rendit un peu de force au chevalier fatigué. Il pressa l'allure. L'ouverture grandit encore et encore.
Une vingtaine de mètres avant d'arriver, les torches disparurent. De la verdure bouchait la sortie du passage. Les feuilles en filtrant la lumière lui donnait sa teinte verte.
Le chevalier blanc y voyait assez pour ne plus avoir besoin des flambeaux.

Le paladin écarta branches et feuillage et sortit de la grotte. Le brancard le suivait de près et raclait le sol.
Il était de retour dans la forêt.
Derrière lui, la caverne qu'il avait empruntée pour retourner était parfaitement camouflée. Impossible de la trouver si on ne savait pas qu'elle était là.

La pluie tombait à l'extérieur. Le chevalier l'entendait tomber contre le feuillage au-dessus de lui. De temps en temps, une petite goutte arrivait à trouver son chemin à travers les branches et atteignait le sol ou elle s'étalait puis finissait par se faire aspirer par les racines.
Une dizaine de petits monticules se dressaient entre les arbres. Le chevalier blanc comprit que ces mottes de terre n'étaient rien d'autre que les tombes des malheureux qui étaient tombé sous la lame du chevalier noir. Peut-être y avait-il un ou deux paysans mais le paladin était sûr qu'il y avait surtout bon nombres de ses frères d'armes qui avaient tentés l'aventure avant lui.

Le chevalier déposa le brancard et prit la pelle. Il commença à creuser au pied d'un vieux chêne centenaire. Il était tellement impatient de finir cette pénible tâche qu'il n'avait même pas prit la peine d'enlever son armure. Au bout de dix minutes, il s'arrêta. Le trou qu'il avait creusé n'était pas encore très gros mais il lui avait déjà pris énormément d'énergie.
Il planta la pelle dans le sol et enleva son casque. Il avait chaud sous son heaume. Il le laissa près de la civière. Il fit un geste pour retirer son armure mais à mi-chemin il s'arrêta. Finalement, il décida de continuer son travail tel quel.
Il lui fallut plus d'une heure pour creuser une fosse suffisamment grande et profonde pour y placer le corps du chevalier déchu. Il avait eut de la chance, il n'avait rencontré aucune des racines du grand arbre. Si ça avait été le cas, il aurait dû les couper avec sa pelle ou son épée pour qu'elle ne gêne pas le reste des travaux. Ce qui l'aurait ralenti.
Le chevalier retourna près du brancard et le plaça le plus proche possible de la tombe. Il souleva ensuite le corps des deux bras en haletant sous l'effort et le coucha tout du long dans l'ouverture. Il alla ensuite chercher la tête qu'il agrippa par les cheveux et la plaça à l'endroit qu'elle aurait dû occuper si le chevalier noir n'avait pas été décapité. Enfin, il prit le casque noir et le déposa entre les jambes du mort.
Une fois ceci fait, il commença à reboucher la tombe avec la terre qu'il en avait sorti.
Il s'arrêtait souvent pour s'éponger le front en sueur.

Alors qu'il travaillait à reboucher ce trou, il ne remarqua pas tout de suite que les tâches de sang qui constellaient son armures, se désagrégèrent dans l'air remplacées par des tâches couleur de nuit. A peine révélées, elles commencèrent à s'étaler sur l'armure telles une tâche d'encre sur une feuille de papier.
Le chevalier blanc ne remarqua pas tout de suite le phénomène. Il continuait à remplir la fosse de terre comme si de rien n'était.
Il était en train d'enfoncer la terre dans le tas qu'il avait sorti de la tombe quand il vit une goutte sombre qui coulait le long de son bras et entamait sa main. Machinalement, il essaya d'essuyer la goutte mais tout ce qu'il réussit à faire ce fut de l'étaler sans pour autant l'arrêter. Son doigt ne fut pas tâché. Il remarqua d'autres gouttes noires qui partaient de son épaules et allaient à l'assaut de son poignet. La vague sombre avait complètement envahi son bras jusqu'au coude.
Le paladin lâcha sa pelle et recula tout en essayant de frotter ses avant-bras énergiquement. Dans un mouvement brusque, il trébucha et se reçut sur les fesses. Il resta dans cette position, les yeux exorbités fixés sur ses mains.
-Dites-moi que c'est un cauchemar, s'écria-t-il.
Les gouttelettes remontaient le long de ses doigts au mépris de la gravité et noircirent complètement les gantelets blanc de bout en bout. Le chevalier regarda son torse. Le poitrail avait la même couleur noire que les bras.
Quand il porta son regard sur ses chausses, la dernière parcelle immaculée venait de disparaître submergée par un raz-de-marée d'obscurité.
Le chevalier poussa un cri de désespoir.
Il essaya frénétiquement d'enlever ses pièces d'armure mais elles restèrent collés à lui. Il était aussi incapable de s'arracher cette peau de fer que d'assécher un océan avec une torche.

Le paladin resta prostré de longue minutes immobile.
Soudain, après ce long moment sans réaction, il poussa un long cri de rage si puissant qu'on dû l'entendre dans le village le plus proche.
Il se leva et prit la pelle qu'il avait laissé tombée. Il laissa le trou qu'il était en train de reboucher et se dirigea vers l'une des tombes sous les arbres. Il creusa un trou de trente centimètres de diamètre avec une ardeur alimentée par la peur de ce qu'il allait découvrir. Après une quinzaine de minutes, la pelle ripa sur une surface métallique. Le paladin abandonna l'outil et continua de dégager la fine couche de terre qui restait à la main.
Il put voir enfin un bout de l'armure du mort qui gisait là.
Elle était sombre.
Un gémissement plaintif à peine audible sortit de la gorge du chevalier.

Il lui fallut un très long moment pour se ressaisir. Une heure entière avait dû passer sans qu'il esquisse le moindre geste.
Il revint à la tombe qu'il avait creusée. Le mort commençait à se noyer dans la terre mais on pouvait encore voir son armure noire.
Le chevalier qu'il avait affronté n'était pas le premier chevalier noir à vivre dans la grotte. Le paladin comprenait mieux les avertissements de son défunts adversaire. C'était l'un de ces prédécesseurs parti comme lui pour en finir une bonne fois pour toute avec la menace du chevalier noir.
Combien de chevaliers blancs s'étaient-ils vus maudits de la sorte?
Il ne savait pas.
Il était devenu le chevalier noir. Il ne pourrait plus jamais revenir auprès de l'ordre. S'il le faisait, il serait capturé, jugé et mis à mort pour les crimes du chevalier noir originel.

Il se releva et reboucha les trous. Maintenant, il ne pouvait plus reculer. Autant qu'il finisse ce qu'il avait commencé.
Quand il eut fini, il alla chercher son heaume. Le casque était aussi noir que le reste de l'armure mais contrairement aux autres parties, il pouvait l'enlever facilement. Il sut alors que, maintenant qu'il avait accepté son nouveau statut, il pourrait enlever son armure sans problème. Mais il était sûr que s'il s'enfuyait en la laissant là, il pourrait peut-être passer toute une journée sans mais quand il se réveillerait le lendemain, il serait paré à nouveau de cette peau de fer.
Il se dirigea vers la clairière. Sans la protection du feuillage, la pluie lui tombait dessus et coulait le long de son de son armure. Il n'y prêta même pas attention.
Près de la grotte, son cheval l'attendait. Le chevalier enleva toutes les affaires du canasson et les déposa par terre.
Il sortit ensuite un couteau de sa sacoche qui lui servait habituellement à couper sa viande. De la pointe, il entailla la croupe de l'animal. Le cheval hennit de douleur et s'enfuit au triple galop dans la forêt. Le paladin le regarda disparaître les larmes aux yeux. Il espérait que quelqu'un le trouverait et qu'il finirait sa vie heureux.

Ce fut chargé comme un baudet que le chevalier emprunta de nouveau la grotte cachée qui le reconduirait à la salle du trône. Au niveau de la première torche, il s'arrêta et laissa tomber ses affaires. Il fouilla dans son sac et en sortit la carte qui l'avait aidé à se repérer dans le labyrinthe. Il approcha le morceau de parchemin de la flamme verte et attendit qu'il se consume totalement. Quand il n'en resta plus que des cendres, il reprit sa route.
Dans la caverne au trône, il abandonna son paquetage sur le sol et s'assit sur le siège de pierre, fatigué.
Il savait qu'il aurait du mal à s'habituer à sa nouvelle vie dans les prochains jours.
Il devrait vivre en ermite, régnant en seigneur dans ce royaume de roche en sachant que tôt ou tard, un chevalier de l'ordre arriverait et prendrait sa place, perpétuant de la sorte la présence du chevalier noir sur cette terre.

 

Publié dans Récits

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A
<br /> premier paragraphe : aucun d'eux ne "savait" lire ni écrire (méa culpa)<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> <br /> Voilà, c'est changé.<br /> <br /> <br /> <br />